C'est long.
Ce mois de novembre ne veut pas se terminer. Tous les matins, je dois puiser au plus profond de moi la volonté de me lever, de prendre mon petit déjeuner et d'enchaîner avec la première dilatation. Au début, je la démarrais à 8h30. Aujourd'hui, je dois lutter pour démarrer avant 9h. Je n'arrête pas de me dire qu'un jour je vais lâcher un juron, me retourner et finir ma nuit.
Sauf qu'il ne faut pas qu'il y ait plus de 10h entre la première et la dernière dilatation d'après l'infirmière qui m'a dit ça avec l'index dressé. Et c'est pas rien quand une infirmière dresse un index. La dernière, je la commence à 21h30. Là, pas de souci de ponctualité. Et je la termine vers 22h45.
Pas étonnant, alors, d'éprouver quelques difficultés à insérer Rocco le matin. J'y arrive, mais ça prend du temps. Et ça m'angoisse, que ça prenne du temps. Parce que j'ai pas envie d'avoir fait tout ça pour rien.
Vraiment pas.
Alors, je me fais violence. De plus en plus.
Pourtant, niveau douleurs, ça va bien. J'ai arrêté les antalgiques. Ou presque. Parce que mon poignet a décidé de râler. Grosse douleur... en me réveillant, il y a une semaine. Alors, j'ai mis une attelle, deux ou trois jours. Mais la douleur avait quasi disparu le soir-même. Sauf qu'hier soir... ça reprend. En pire. Je me suis demandé si j'allais pas tomber dans les pommes tellement j'avais mal. J'ai remis l'attelle et au matin, plus rien...
Peau sèche, démangeaisons... Je me dis que mon organisme a bien morflé, qu'il morfle encore, qu'il doit puiser dans ses ressources pour cicatriser. Sans compter les hormones qui ne doivent plus savoir où elles en sont. Je suis vulnérable. Et je dois somatiser, aussi. Il faut bien que toutes ces tensions s'expriment d'une façon ou d'une autre.
Je viens de me réécouter It's a wonderful life. C'était la première fois depuis l'anesthésie. Elle est vraiment superbe cette chanson, surtout avec la voix de Katie Melua. Sauf que je me suis revue sur la table d'opération, avec toutes mes angoisses. Je crois que je me suis pourrie cette belle chanson à vie.
Niveau moral, je suis toujours sur courant alternatif. Il est lié à mon niveau de fatigue, qui n'évolue plus tellement. Je m'attends à un shutdown. Il peut survenir n'importe quand. Je suis si fatiguée, si nerveuse que la moindre contrariété peut me foutre en l'air ma journée. Il faut dire aussi que mes journées s'avèrent franchement répétitives.
Hier soir, j'avais envie de tout lâcher. Aujourd'hui, ça va. Comme j'ai renvoyé le bon à tirer de mon roman et que je n'ai plus d'urgence, je m'octroie une pause dans l'écriture. Pour m'occuper entre deux dilatations, j'ai décidé de migrer mes comptes vers une banque unique et en ligne, histoire de faire des économies et de simplifier ma gestion. Dans le même temps, j'essaie aussi de mettre en conformité mes diplômes avec mon changement d'état civil. J'avais laissé ça en suspens depuis des mois.
La solitude et le froid ne m'aident vraiment pas. Je me souviens que les soignants m'avaient avertie qu'il faudrait que je m'occupe, que je sorte pendant ma convalescence, pour ne pas finir tarée. Leur ton m'avait quelque peu angoissée. Je comprends désormais.
Je n'en suis même pas à la moitié de la première phase.
J'aimerais bien voir des gens. Aller au théâtre, voir mes parents... Mais pour ça il faut conduire et je ne suis pas sûre que ce soit une très bonne idée, dans mon état.
Je vais me remettre à l'écriture, tout doucement. Fignoler mon roman fantastique. Mais je pense que j'ai aussi besoin de laisser mon esprit vagabonder par moments. Et souffrir. Parce que contrairement à mon récit, cette souffrance, elle est réelle et c'est la mienne. J'ai dégusté et je déguste. Ça fait partie de mon histoire et de moi. Je ne dois pas mettre cette peine sous le tapis, je dois y faire face et la digérer.
Oui, il est possible que je me tape un shutdown, que je craque, que je pleure toutes les larmes de mon corps, enfin. Et je pense que ce serait une bonne chose. Après, je me sentirai mieux et, surtout, plus en phase avec moi-même. Je me rends compte, dans ces phases où mon esprit n'est pas focalisé sur une tâche, à quel point j'ai dû me dissocier pour traverser cette épreuve. Me dissocier de mes émotions, scinder mon esprit.
Je me disais que j'étais en mode "guerrière". C'est tout à fait ça. Pendant la guerre, les soldats doivent aussi se dissocier pour traverser l'horreur. D'après ce que j'ai pu lire et entendre. En termes d'intensité et de durée, ce n'est pas comparable, bien sûr. Mais le processus reste le même. Et il faut en sortir, au bout d'un moment, de cette dissociation, de la guerre, de ce mode "guerrière", de cet état robotique. Pour redevenir un humain, complet, avec ses émotions.
C'est pour ça que je ne crains pas ce possible shutdown, cette éventuelle crise de nerfs. Je crains que ça ne m'empêche de réaliser mes dilatations, un peu. Mais pour le reste, je pense que ce serait libérateur, salvateur.
Après, il doit aussi être possible de se reconnecter de façon plus progressive. C'est juste que là, j'ai un peu l'impression d'avoir sur le ventre un gigantesque bouton rempli de pus, bien douloureux, et j'aimerais bien m'en débarrasser d'un claquement de doigts, en foutre partout, appuyer jusqu'à ce que ce soit du sang qui en sorte. Ressentir une douleur intolérable suivie d'une libération proportionnelle à cette souffrance.
Bref, comme vous l'aurez compris: aujourd'hui, le moral va plutôt bien par rapport à hier. Vivement demain. Vivement décembre. Vivement le 7 janvier que je puisse bénéficier d'une réduction de peine.
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