(Écrit le 19/09/17, mis à jour le 16 avril 2023)
J'ai 43 ans, je suis autrice, j'habite en
France, dans une zone plutôt rurale, je suis née avec un service trois
pièces entre les jambes, et je m'appelle...
disons Laure M. Bien sûr, ce n'est pas ce qui est inscrit sur ma carte
d'identité. Et très peu de gens m'appellent ainsi.
Depuis au moins le collège, dans ma plus stricte intimité et
solitude, je me "déguise" en femme. Et depuis tout ce temps, je
culpabilise, j'ai honte. Je souffre. Parce que ce n'est pas "normal".
Parce que je ne comprends pas pourquoi je fais ça. Parce que j'ai le
sentiment d'être dingue. Même si je ne cause aucun tort à quiconque. Je
suis seule dans ces moments, toujours. Personne n'était au courant.
Les rares personnes à qui j'en ai parlé ces dernières années ont semblé
surprises sur le coup, mais ça n'a rien changé à nos relations. Rien.
Le reste du temps (c'est à dire 99% puisque ça ne durait que quelques
heures par semaine), je faisais de mon mieux pour jouer le rôle que la
"nature" m'a assigné et qui de ce fait ne pose absolument aucun souci à
la société, à mon entourage. Je me débrouillais plutôt bien. Hormis une
dépression carabinée depuis mes 19 ans, qui a succédé et précédé une
simple morosité. J'ai vaincu une addiction carabinée au cannabis qui a
duré entre mes 17 et mes 21 ans, et je luttais encore contre mon addiction
à la nicotine et aux médicaments légaux jusqu'à il y a quelques mois. Est-ce lié? Au moins en
partie, sans le moindre doute. Mais ainsi je ne prenais pas le risque de
faire souffrir aucune des personnes que j'aime. Je ne prenais pas le
risque d'être rejetée. Je me mentais à moi-même. Je mentais à tout le monde,
mais tout le monde était content. Sauf moi, qui préférais de loin rester
seule chez moi. Enfermée.
J'ai eu des relations plus ou moins longues avec de jolies jeunes
femmes. La première fois à 25 ans, au prix d'intenses efforts. On a pu
me reprocher mon manque de virilité, mais sans jamais me reprocher
d'être efféminée. Toutes ces relations étaient foireuses, de diverses
façons. Et j'ai fini par comprendre qu'inconsciemment je me mettais
toujours en situation d'échec, dès le départ, par mes choix. J'ai
compris aussi que je m'identifiais à elles, d'une certaine façon.
Quant au sexe... Oui, j'aimais ça. Mais vous n'imaginez pas les
constructions mentales que je devais mettre en œuvre pour arriver à
l'orgasme, la concentration et là encore l'identification à elles. Il y
avait manifestement quelque chose qui clochait. Et impossible de
m'imaginer avec un homme, dans ce corps.
Longtemps, dans la phase où je croyais encore en Dieu, je me disais
que je devais être possédée par une sorte de démon féminin qui faisait
tout pour me pervertir. Ensuite j'ai rattaché ça à l'agression sexuelle
que j'ai subi quand j'avais 12-13 ans: j'ai imaginé qu'il m'avait volé
mes couilles. Et puis... la folie, encore et toujours. Je ne compte plus
le nombre de psychologues et psychiatres que j'ai vu depuis le collège,
mais à vrai dire, même à eux, il a fallu attendre 2010 pour commencer à
leur en parler. C'est vous dire la honte que j'en éprouvais.
Et puis, on a commencé à parler de transgenres, ces dernières années. Ça ne m'intéressait pas. Je ne me sentais pas concernée. Mais j'ai
écrit un bouquin, dans lequel j'effleurais le sujet, et j'en ai commencé
un autre, où il s'agit du sujet principal. Les Métamorphoses, devenu Hentaï witch. Alors,
j'ai décidé de combattre ce vieux démon qui me pourrissait depuis si
longtemps. Et d'arrêter progressivement de jouer un rôle. De porter plus
souvent, mais toujours chez moi, dans ma solitude, ces vêtements qui me
plaisent tant, de virer ces poils qui m'insupportent depuis si
longtemps, de me laisser pousser les cheveux. Et ainsi de voir où je
peux aller, de cette façon.
Mais, en septembre 2017, à l'aube de ma
trente-huitième année, je restais très paumée, très triste. Et je me disais que quoi que je fasse, ce serait vraiment difficile de trouver quelqu'un
qui m'aime.
J'ai commencé ma transition médicale en avril 2018, il y a cinq ans tout juste au moment où j'écris cette mise à jour, et j'en ai fini avec les psychotropes et la nicotine. Je suis toujours seule, mais j'y travaille. Le côté social et administratif de mon changement reste à faire, mais la partie médicale devrait se trouver derrière moi d'ici un an, hormis pour la prise d'hormones qui devrait se poursuivre jusqu'à ma mort.
L'idée de ce blog est de témoigner sur cette transition, de la façon la plus honnête possible, avec les angoisses, les euphories, les échecs, les réussites...
Commentaires
Enregistrer un commentaire