Je suis en pleine dysphorie. Les choses continuent à bouger dans mon crâne, et ce n'est pas très agréable, aujourd'hui.
A la demande de ma nouvelle toubib, j'essaie de me projeter. Et il y a conflit. Ce qui est à l'origine de ce malaise.
Voilà l'équation que je dois résoudre: Le but de ma transition est de me sentir mieux, plus en adéquation avec ce que je suis au fond de moi. De ce point de vue, j'avance. Sauf que plus j'avance, et moins je me sens bien. Pourquoi? Parce que je ne me sens absolument pas en sécurité dans un corps "hybride". Or, à moins de faire machine arrière toute, ce corps restera "hybride".
J'ai toujours été "pudique". J'ai toujours détesté montrer mon corps, ce qui m'a valu des moqueries, ou au mieux des remarques. Même un short, pour moi, c'était problématique. Même avec mes ex. Aujourd'hui, c'est 100 fois pire. Autant, avant, j'avais un corps que JE ne pouvais pas voir, mais qui rentrait dans les cases. Désormais, j'ai un corps que j'ai toujours du mal à regarder et qui en plus ne rentre plus dans les cases. Ce qui me donne une furieuse envie de rester enfermée chez moi, dans le noir.
Le compromis que je me suis trouvé, c'est de ma la jouer façon Lady Oscar. "Elle est habillée comme un garçon". Grâce à ça, je me fonds à peu près dans la masse. Mais ce n'est pas le but. Je ne pourrai pas faire ça indéfiniment. Je ne VEUX pas faire ça indéfiniment.
Alors, je n'arrive pas à me projeter. Aussi loin que je porte mon regard, je reste "hybride", ce qui, là, dans mon esprit troublé par la dysphorie, signifie "imposture", mal-être, besoin de me cacher, isolement, solitude. Autrement dit: aggravation de ma situation.
Résultat: je me sens coincée, acculée. Le plus simple serait de faire machine-arrière, de retrouver ma déprime, mon spleen, parfaitement acceptés par la société. Vivre dans la frustration, le regret perpétuel. Le "bof". De rester toxique dans mes relations sentimentales, à côté de la plaque dans la société. Mais sans Atarax, sans stress post traumatique. Donc avec du mieux, malgré tout. Il est là aussi le problème: comment aurait été ma vie jusque ma transition, sans stress post traumatique? Est-ce que je l'aurais quand même entamée, ma transition?
J'ai commencé à prendre mes hormones, parce que je ne supportais plus cette vie. "Quitte ou double", m'étais-je dit. Mais à quel point aurait-elle été insupportable si j'en avais été guérie plus tôt?
Je ne pense pas en être totalement guérie, d'ailleurs, même si, incontestablement, ça a évolué de façon positive. J'ai arrêté l'Atarax de façon brutale et... je n'en éprouve pas de souci particulier. Au contraire, je me sens plutôt mieux. Par le passé, j'avais essayé d'arrêter de nombreuses fois, de toutes les façons possibles, y compris avec une diminution ridiculement progressive des doses, en vain. Je ne tenais jamais plus de quelques jours. Ca prouve que mon cerveau a bien changé, dans son fonctionnement. Même si, bien sûr, il va encore me falloir de longues semaines pour me désaccoutumer définitivement.
Le fait est que là, manifestement, malgré cette évolution, je me sens toujours dysphorique. Il y a toujours un truc qui merde. Mais est-ce parce que je ressemble de moins en moins à un mec ou parce que je ressemble toujours trop à un mec? Spontanément, j'opterais pour la seconde option.
Je ne pense pas que l'agression que j'ai subi soit à l'origine de ma transidentité, même si ce serait bien plus confortable de le penser. Ca a perturbé mon évolution identitaire et sexuelle, ça c'est évident. Je dirais que ça l'a brouillée. Mais c'est bien plus complexe que ça. On ne transforme pas un petit garçon en petite fille en l'agressant, même de cette façon.
Mon psy m'a suggéré d'analyser mes goûts en matière de films olé olé, pour me définir moi-même. Je ne peux nier qu'il y a là-dedans, une façon de revivre ce que j'ai vécu. Mais... ce ne sont pas des films avec des enfants, que je regarde. Rien que d'imaginer ce type de scènes une demi-seconde, ça me file la gerbe, et ce n'est pas une image. Ce n'est pas non plus du film gay, ça me rebute. Pas même des films trans, ça me met mal à l'aise. Non. Seuls les films hétéros m'attirent, et encore, de moins en moins. Et je m'identifie aux actrices (ce qui n'est pas très sain, soit dit en passant, d'autant qu'à l'inverse, sur les films "familiaux", j'ai beaucoup de mal à m'identifier aux personnages féminins, ce qu'il va falloir creuser.........). Avec le temps, j'évolue vers des films olé olé à la philosophie plus féministe. Où la femme est plus respectée. Alors qu'avant, on était plutôt dans une forme de violence.
J'ai donc une sexualité féminine plutôt hétéro, que je ne peux pleinement assouvir en l'état actuel des choses. Et ça, je ne pense pas que mon agression y ait joué un grand rôle. Il y a une continuité à ce niveau entre avant et après.
Pour résumer, tout n'est pas encore bien clair dans ma tête, même si ça avance. On va se faire confiance, se dire qu'il est encore un peu tôt pour ça, qu'il faut laisser les connexions se faire, à leur rythme. Et que pour le moment, je n'ai encore rien fait qui soit irréversible, au cas où.
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