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La fin de ma transition se profile

 Moins je doute, moins j'éprouve de difficultés, et moins j'éprouve le besoin d'écrire sur ce blog.

Bientôt, il sera achevé, je pourrai me relire et probablement en faire un livre.

Parce que j'ai enfin la date que j'attendais depuis... des années. Ce sera fin octobre. Ensuite, je serai sur le flanc pour quelques semaines, et puis je n'aurai probablement plus rien à écrire ici. Ma vie va devenir chiante. Ou plutôt différente.

Elle l'est déjà. J'ai verbalisé la situation avec mes parents. Je ne développerai pas ce point ici, mais c'est un sérieux poids pour moi qui s'est évaporé.

Je peux être à peu près moi tous les jours. Toutes ces décennies à restreindre mon identité réelle à quelques heures, la nuit, de temps en temps. Et puis quelques années, après 2018, à la restreindre à mon domicile.

Désormais, je suis moi, en permanence. Il y a parfois des loupés, des maladresses chez ceux qui me connaissent de longue date sous ma précédente identité, il y a quelques abrutis que ça excite, mais globalement, ça se passe bien. Dans ma famille, à mon boulot, dans mes loisirs, dans ma vie de tous les jours. Les gens voient une femme, sans tiquer. Même au téléphone. En tout cas la plupart du temps.

Les choses devraient aller en s'améliorant. J'ai estimé que ma transition sociale prendrait environ un an, en novembre, le temps de revoir tout mon entourage y compris le moins proche, et que celui-ci s'habitue, fasse ses éventuelles vannes, réflexions etc.

Au niveau administratif, SFR m'a fait galérer, mais c'est enfin réglé. Il reste ma micro-entreprise et mes diplômes. Je ne sais pas trop à qui m'adresser, mais je finirai par trouver. L'urgence a été gérée.

Mes amis ont changé. J'ai longtemps espéré, sans trop y croire, pouvoir garder ceux que j'avais, mais... ils ont fini par ne plus répondre à mes textos. Mais d'autres personnes se sont rapprochées de moi, des personnes avec qui je me sens plus en phase, en réalité.

J'ai moi aussi encore un certain travail à faire. Il y a, par exemple, ma voix intérieure, qui reste la même. Un héritage de ma sociabilisation. C'est assez étrange mais je me dis que ça va forcément changer, avec le temps.

Il faut dire que le machin que j'ai toujours entre les jambes me ramène en permanence à mon passé, me complexe, et m'empêche de vivre une intimité féminine. Il me donne toujours l'impression d'être une fraude.

Je sais bien que je ne devrais pas avoir cette impression, mais c'est comme ça.

Je n'arrive pas à totalement me projeter dans une vie de femme, à cause de ça. Parce que je ne peux pas envisager une vie sentimentale et sexuelle avec ça.

J'ai pourtant eu peur de cette opération pendant des années, pour le côté irréversible, justement, et le côté de "boucherie", avec les contraintes qui suivent.

Je vois les choses autrement aujourd'hui. Parce que j'ai réfléchi et multiplié les expériences, avec quelques opérations, notamment celle du visage.

La boucherie, je serai endormie. L'irréversibilité, après toutes ces années et ces efforts, je ne me vois plus du tout faire machine arrière. Pour les contraintes, je fais confiance à celles qui ont déjà vécu cette expérience et qui semblent dire que ça permet justement de se reconnecter avec la nouvelle forme de cet organe.

Avant, je voyais ça comme une "mutilation" hyper risquée. Aujourd'hui, j'ai compris qu'il s'agit d'une réassignation. L'organe change de forme, mais ne perd qu'une partie qui... n'est de toute façon plus fonctionnelle.

La psy du dispositif trans-identité m'aide beaucoup sur ce point.

Quand j'ai appris la date, par téléphone, j'ai eu un coup de stress. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit aussi rapprochée. Je voyais plus ça vers décembre ou janvier. Alors, forcément, ça chamboule les plans. Et puis, on se projette, on imagine, on se questionne, on refait le tour de la question, on appréhende la douleur, les phobies, la convalescence...

Et ça passe. 

Aujourd'hui, je vois cette opération comme une libération. Je serai libre de cette transition, de ces contraintes, ces voyages à Lille, les spécialistes (même s'il restera toujours l'endocrino). Je ne serai plus dans l'attente de ce moment où je serai incapable de bosser pendant plusieurs semaines, incapable de m'engager, gênée dans mes interactions avec autrui, les câlins. Je pourrai enfin mettre tous les vêtements, et la lingerie, que je veux, sans me demander si un coup de vent ne va pas me foutre la honte. Je pourrai porter des leggings qui achèveront de convaincre les plus sceptiques que je suis bien une femme. Je sais, sur ce dernier point, je ne devrais pas, mais c'est comme ça.

Je vous raconterai les détails, comme je l'ai fait pour la féminisation du visage.


En attendant, je dois dire que je ne vais pas bien. C'était prévisible. Dans l'attente de cette libération, ma vie est franchement compliquée, en ce moment. Les finances, la solitude, et surtout une inquiétude permanente pour une proche dont la vie ne tient plus qu'à un fil.

Je m'attends à pleurer, à l'hôpital, submergée par de nombreuses émotions, accrue par la fatigue. D'ici là, il peut encore se passer pas mal de choses.

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