C'est fait. Après un renvoi du dossier parce que le juge a eu un petit accident, j'ai pu passer, ce mercredi.
J'ai vu tant de gens passer à cette barre, pour des dossiers pénaux, se faire déglinguer par les magistrats que, forcément, je n'y étais pas très à l'aise. Heureusement, comme mon dossier ne nécessitait pas de longs débats et qu'en plus j'avais pris une avocate, je suis passée en premier.
J'ai pris une avocate parce que ma situation financière me permet de bénéficier de l'aide juridictionnelle intégrale. Autrement dit, ça ne m'a coûté que 13 euros, le prix du timbre de plaidoirie. Pour ce prix là, je me suis sentie sécurisée, je n'étais pas seule et... j'ai pu sensibiliser une personne supplémentaire au sujet de la transidentité. C'est pour ces raisons que j'ai fait ce choix.
Sinon, de son propre aveu, sa présence n'était pas très utile: ma requête était parfaite (je me suis basée sur le modèle d'une amie et... l'avocate en question m'a appris à les rédiger, même si ce n'est pas sur ce genre de sujet), j'avais tous les éléments pour démontrer le bien fondé de ma demande et on était presque sur une simple formalité administrative.
Concrètement, je me suis présentée à la barre. Personne dans le public, contrairement aux dossiers pénaux adultes. Face à moi, la présidente, une greffière et... une auditrice de justice, je crois. Je m'attendais à ce qu'il y ait un représentant du parquet, mais elle ne s'est pas identifiée comme tel et je ne l'ai pas reconnue. Elle n'est pas intervenue, si ce n'est pour me sourire, comme les deux autres. La présidente m'a posé des questions. En somme, elle voulait que je lui répète, à l'oral, le contenu de ma requête. Sans doute pour s'assurer que je n'ai pas changé d'avis et que je suis bien en accord avec ce que j'avais indiqué. La requête aurait pu être rédigée par un autre et ne pas correspondre à mes aspirations.
Donc je suis revenue sur la lente prise de conscience de ma transidentité. Les années 90-2000 où il était presque impossible de se projeter en tant que personne trans, les années 2010 où des figures publiques positives ont commencé à émerger, ma transition médicale démarrée en 2018 et qui a abouti à la situation actuelle, où les gens ne comprennent pas pourquoi ils voient une femme alors que sur mes papiers, c'est marqué autre chose. J'ai énoncé plusieurs situations récentes, expliqué la gêne que ça engendre pour tout le monde, les réactions diverses, la possibilité qu'on m'accuse d'usurpation d'identité...
Elle a compris l'évidence, m'a indiqué que la procureure s'est montrée favorable à ma demande. Mon avocate a pris la parole... pour lire ma requête, ajouter les quelques éléments dont je lui avais parlé juste avant l'audience, donner le compte-rendu du psychologue qui me suit dans le cadre de ma transition que je lui avais confié juste avant. Voilà. Qu'ajouter de plus? C'est carré. Logique. Naturel. Parfaitement au goût de la justice.
La présidente me dit, néanmoins, qu'elle rendra officiellement sa décision le 7 février. Ensuite, il y aura encore un délai d'un mois avant que mon acte de naissance ne soit modifié. Et c'est tout.
Ensuite, il faudra que je m'amuse à changer tous mes papiers. Carte d'identité, permis, impôts, CAF, carte vitale etc etc.
Ça va être long. Ça va être pénible, mais, progressivement, ma vie va se simplifier.
Dans le même temps, je ne vois plus mon orthophoniste qu'une fois toutes les trois semaines, parce que ça se termine. Je gère plutôt pas mal, niveau voix. Elle ne me trahit quasiment plus. Demain, j'ai mon avant dernière séance de torture au laser. Il n'y a plus grand chose à brûler sur mon visage. Par contre, elle va s'attaquer au scrotum et d'après elle, la douleur dépasse tout ce que j'ai connu. J'ai pas hâte du tout. Mais normalement, cet été, je serai à peu près tranquille avec ça.
Il restera la "grosse opération", pour laquelle j'attends le prochain rendez-vous, et la date.
Mon début d'année est très intense. Comme prévu. Je suis épuisée, tendue, avec de gros coups de déprime. Comme prévu. Je m'attendais même à pire. La perspective de l'opération me terrifie toujours. J'ai hâte que ce soit derrière moi. L'année 2025 devrait être tellement différente de tout ce que j'ai connu. Toutes les tensions accumulées depuis 2018, et même avant, avec la transition, devraient disparaître.
Je m'attends à me sentir vide. J'y suis tellement habituée à cette tension constante que je risque de me casser la gueule très fort, de perdre mes repères. Il va falloir que je me reconstruise autour de cette identité toute neuve. Il est possible que je fasse une dépression bien féroce. Je la sens déjà poindre.
Mais une fois reconstruite, je pense que je serai plus solide que jamais.
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