Encore deux mois depuis que ma dernière intervention sur ce blog. Les articles s'espacent...
Pourquoi?
Parce que je manque de temps. Hormis mon double boulot, j'ai consacré une partie de mes dimanches à rédiger ma requête en changement d'état civil. Le genre et les prénoms.
Et c'était très long.
J'ai préféré attendre ce moment parce que j'avance énormément dans ma transition sociale. C'était le but. Et avec ces avancées viennent, logiquement, des difficultés. Le contrôleur à qui je présente mon billet et mon abonnement, à mon deadname, qui me regarde de travers et me demande ma carte d'identité, parce qu'il y a incohérence. La secrétaire médicale et la toubib qui me regardent en deux fois, parce que même quand je suis en "boymode", ce qui est inscrit sur ma carte vitale ne correspond plus avec mon apparence. C'est un fait. Et ce genre de situation s'avère franchement désagréable.
Ma vie sociale n'avait plus été aussi intense depuis très longtemps. Je ne suis même pas capable de donner une période approximative tant ça remonte. Et outre les exemples cités plus haut, qui se multiplient, il y a aussi les gens qui me connaissent depuis longtemps, sous mon deadname. Ils se divisent en deux catégories: ceux qui s'adaptent sans problème, ceux qui ne s'adaptent pas et continuent donc à me genrer au masculin, comme si je ne portais pas de frange, de maquillage et vêtements qui laissent voir mes seins.
Je dois dire que je le prends de plus en plus mal.
Mais, quand on me suggère de les reprendre, je fais la moue. Parce que j'ai toujours ce syndrome de l'imposteure en plus de mon manque de confiance en moi, et aussi parce qu'officiellement, c'est toujours mon identité... Dans mon esprit, je ne peux pas plaindre d'un état de fait que je n'ai pas fait modifier alors que j'en ai la possibilité depuis quelques années. Si on me répond "ha ouais? Fais voir tes papiers, pour voir!", je risque de mal le vivre.
Voilà pourquoi je me suis concentrée sur cette requête envoyée au tribunal la semaine dernière.
C'est compliqué, même si j'ai certaines connaissances sur ces documents.
Il faut trouver un modèle qui va bien. Il faut réunir les preuves nécessaires, et notamment les témoignages de plusieurs proches. Ensuite, il faut se lancer, raconter comment on en arrive à cette demande, sans céder à la tentation de raconter sa vie, rester factuelle, précise. C'est du droit. Il faut rendre la requête cohérente avec les pièces fournies et mettre ça en forme. Ça implique de prendre un certain recul.
Est-ce que je mets des certificats médicaux, ou pas? Forcément, j'ai évoqué le sujet dans ma requête, parce que ça fait partie des événements, des éléments qui m'ont amenée dans cette situation de demander à ajouter deux prénoms aux miens et à changer de genre. Et en même temps, ça ne doit pas entrer en ligne de compte, ça ne doit pas jouer dans la décision du tribunal, selon les articles de loi évoqués dans ma requête.
Et dans sa convocation, le JAF me demande, "même si ce n'est pas obligatoire", ces éléments médicaux. Ça me gêne pour les autres, mais pour moi... J'ai un compte-rendu de psychologue qui est absolument parfait et ça ne me dérange pas de le montrer au juge.
Je m'attendais à un délai beaucoup plus long, mais non. La réponse est arrivée au bout d'une semaine, la convocation m'amène à fin janvier, un mois et demi plus tard. Normalement, une quinzaine de jours plus tard, je serai administrativement, officiellement, madame.
Cette perspective m'enchante et m'angoisse en même temps, parce que c'est un énorme changement. Parce que je ne suis pas sûre de bien réaliser. Parce que, même à ce stade, il reste toujours des doutes.
Et puis, une fois que ce sera fait, il y aura encore une interminable période où je devrai faire modifier tous mes documents administratifs, en premier lieu la carte vitale, réputée pénible, les opérateurs de téléphonie et d'internet, les banques, les impôts, les diplômes... et tant de choses auxquelles on ne pense pas mais qui vont fatalement se présenter à un moment...
Autrement dit, je ne serai pas sauvée.
Et dans le même temps, a priori fin 2024, je devrais mettre la dernière opération, la plus terrible et en même temps peut-être la plus déterminante, derrière moi. Je commence à me faire à l'idée, et même à avoir hâte, malgré ma trouille de tout ce que ça implique. Ce qui est très nouveau.
D'ici là, j'en aurai à peu près fini avec l'épilation laser, l'orthophonie, en tout cas je pense et j'espère. Il restera, éventuellement, quelques opérations "de finition", à l'extrême limite entre la féminisation et l'esthétique. Le nez? La poitrine?
Je préférerais éviter, mais... ça va dépendre de mon passing, et de mes moyens.
En attendant, il faut que voie si je fais une demande d'aide juridictionnelle pour pouvoir me faire assister par un avocat fin janvier, pour l'audience. Histoire d'assurer le coup.
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