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Transition sociale et imposture

 Ça faisait bien longtemps que je n'avais plus écrit sur ce blog. Le 15 juillet pour être précise, alors que j'étais encore en convalescence de ma féminisation du visage.

Le problème, c'est qu'il ne s'est pas passé grand chose, depuis.

J'attendais cette opération pour entamer ma "transition sociale". C'est à dire exister en tant que femme, plus seulement chez moi, auprès d'un nombre restreint de personnes, mais de façon très officielle et permanente.

Et je m'y tiens.

Le souci, c'est qu'en permanence, j'ai ce sentiment abominable que ma féminité n'est qu'un fragile déguisement. Que je ne suis qu'une imposteure.

Hier, mon voisin m'a dit "ben oui, je vois bien que c'est Laure, mais j'ai toujours dit *deadname* donc c'est *deadname*." J'ai haussé les épaules, et j'ai simplement répondu que je comprenais.

La maire de ma commune, chaque fois que je l'appelle (plusieurs fois par mois), je commence par "bonjour, Laure..." et elle me répond "ha *deadname*" systématiquement. De façon très amicale, sans animosité, sans mauvaise intention. Mais voilà, je suis toujours un mec, quoi.

Je ne vais pas parler de mes parents, juste de certaines amies, qui me téléphonent, m'appellent "Laure" et puis dans la conversation, le masculin revient, et *deadname* avec. Je comprends que ça leur demande un effort, que ce n'est pas naturel, que ma voix, aussi, n'incite pas à employer le féminin pour me désigner.

Oui, mon passing s'est amélioré. Au théâtre, ça me touche quand l'animateur se fait corriger par les copines: "c'est pas il, c'est elle!". Ça me fait très plaisir, même si je ne le dis pas, mais...

Au sport, aussi, la plupart des adhérents utilisent le féminin. Ils ne savent de toute façon pas mon deadname, hormis ceux qui me connaissent d'ailleurs ou qui ont ma fiche d'inscription, mais je vois les regards étonnés.

C'est ma voix, principalement, qui coince. Mais pas que. Mon mètre 80, mes épaules, mon bide, mon nez, mon attitude... C'est toujours trop pour que je me sente à l'aise dans cette identité.

La voix, j'y travaille. Je pense que c'est un cercle vicieux: elle reste identifiée comme masculine parce que je ne crois pas en moi et je ne crois pas en moi parce qu'elle est identifiée comme masculine. Quand je lis un texte, seule chez moi, ma voix est plus que correcte. Mais dès que je dois convaincre quelqu'un de ma féminité, parler longtemps... Ça ne fonctionne plus.

Pour le reste, il faudrait que je m'affine. D'où le sport. Je suis persuadée que si je me débarrasse du gras dans mon ventre et dans le haut de mes bras, ça irait mieux. Mais pour le moment, à ce niveau, je stagne.

Un peu plus de poitrine pourrait aussi aider. Je songe à l'opération, mais ça m'enchante pas.

Il faut aussi que je travaille ma démarche. Le théâtre peut aider. J'aimerais faire de la danse aussi. Il y a les talons qui peuvent contribuer, mais comme pour la voix, si c'est pas maîtrisé, ça risque d'être contre-productif. Cercle vicieux.

Ma transition physique n'est pas terminée. Il y a de l'espoir, j'ai encore des options, une marge de manœuvre pour arranger les choses, mais...

Avant l'opération de féminisation du visage, ça ne me blessait pas, quand on me voyait comme un mec. C'était désagréable, mais sans plus, parce que je faisais assez peu d'efforts, finalement.

Aujourd'hui, ça me fait très mal, et en même temps, vu la situation, quand on me genre au féminin, ça me surprend, et j'ai le sentiment d'être une fraude, de tromper mon interlocuteur.


J'avais anticipé que cette période serait compliquée. Je m'attendais même à pire, mais elle n'est pas terminée, loin s'en faut. J'ai dû reprendre l'Atarax, de façon légère, pas forcément tous les jours, avec l'objectif d'arrêter d'ici assez peu de temps.

Mais il fallait faire taire le petit bonhomme dans ma tête qui n'arrêtait pas de répéter "je veux crever, je veux crever, je veux crever...".

Parce que non, c'est pas ce que je veux. C'est plus du tout le moment. L'avenir s'annonce plutôt sympa, si je consens à fournir quelques efforts, et à accepter ces blessures.

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