Nous voilà arrivés au deuxième jour. L'anesthésie s'était totalement dissipée, j'avais récupéré mes facultés. Restaient la douleur et la fatigue. Mon visage était gonflé comme une pastèque et la douleur était diffuse. On me demandait régulièrement de lui donner une note. J'ai commencé à 7/10, alors on me donnait des antalgiques toutes les trois heures, qui me donnaient la nausée.
J'essayais de manger, mais c'était difficile. Quand ma mère avait été hospitalisée, j'avais eu l'impression que les hôpitaux s'étaient améliorés, niveau nourriture. On va dire que j'ai pas eu de chance.
Je me suis néanmoins forcée autant que possible, parce qu'il fallait que je reprenne des forces.
Et puis, il y a eu le ballet des toubibs, infirmières et aides-soignants. La plupart se sont montrés très amicaux et m'ont genrée au féminin. En même temps, l’œdème avait rendu mon visage parfaitement non-binaire et ma poitrine restait visible sous la blouse quasi en permanence.
Le chirurgien a répété qu'il était très content de lui. Je lui ai répondu que... j'étais bien obligée de lui faire confiance. J'étais en vie, mais je ne pouvais pas encore juger du résultat. Les autres soignants semblaient ravis de travailler avec quelqu'un d'aussi sympa et compétent.
J'ai été surchargée d'informations parfois contradictoires. Je pouvais partir le soir même, ou pas. Le lendemain matin, ou le lendemain soir. On ne m'a pas donné de bas de contention? Bizarre. Vaseline ou vitamine A sur les cicatrices?
Pas facile de s'organiser dans ces conditions. Finalement, je suis restée une matinée de plus et on m'a appelé un taxi. Pas l'idéal, mais je n'avais pas franchement le choix. Je lui ai suggéré de trouver un sachet, parce qu'avec ma nausée persistante, il y avait des chances pour que je salope ses sièges.
Ça n'est pas arrivé.
Me gars m'a aussi appelée "madame" du début à la fin, mais, comme je m'y attendais, il a tiqué au moment où je lui ai présenté ma carte vitale: "c'est celle de monsieur, ça...". J'ai dû lui indiquer que je suis transgenre. "Ha d'accord. De toute façon, s'il y a un souci j'ai votre numéro". Le gars voulait juste se faire payer, et c'est bien normal.
Home sweet home. J'ai attendu la fin de journée pour que ma sœur passe pour moi à la pharmacie me ramener un gros sachet d'antalgiques, compresses, pansements, vitamine A, sérum physiologique, Septivon... Il manquait les antibiotiques et les bas de contention que la pharmacie m'a livrés le lendemain et le surlendemain.
J'avais peur de ne pas retrouver l'appétit, mais mes biscuits sablés habituels ont dissipé la nausée en une seconde. J'ai donc pu me réalimenter correctement le soir-même. Le plus compliqué restait de gérer la fatigue et la douleur.
J'ai donc passé les premiers jours devant Sydney Fox, l'aventurière et Netflix. On m'avait conseillé vivement de dormir avec trois oreillers, j'ai essayé, je me suis fait très mal au cou, alors je suis restée sur un seul.
Assez vite, j'ai pu retourner sur mon canapé, la journée, et jouer à Elden ring. Je continuais à me traîner, mais j'arrivais à bouger, à faire mon ménage...
Après deux semaines, j'avais rendez-vous à l'hôpital pour enlever les fils. J'ai heureusement pu me faire accompagner, parce que je ne me sentais pas d'y aller en voiture ou en transports en commun. Le médecin a inspecté et décrété que tout se passait bien. Par sécurité, il faudrait qu'une infirmière jette un œil quelques jours plus tard, et continuer encore un peu à appliquer Septivon et vitamine A. Il restait des croûtes collées dans mes cheveux.
Quelques jours plus tard, j'ai pu prendre ma voiture pour faire mes courses, me balader sur cinq kilomètres... J'étais repartie.
Au moment où j'écris ces lignes, il me reste un bleu à peine visible sous un oeil, la cicatrice sous le nez reste gênante niveau mobilité mais on peut ne pas la voir si on n'y prête pas attention. Idem pour la cicatrice au niveau de mon cuir chevelu.
Le plus gênant, c'est la perte de sensibilité sur le haut de mon crâne. Je ne peux plus exprimer toutes mes émotions parce que ça coince, mais il paraît que ça va revenir d'ici quelques semaines.
A contrario, je garde quelques douleurs au niveau du crâne, sur la cicatrice, qui me lancent par moments et peuvent me réveiller par nuit. C'est globalement tout. Au bout de trois semaines, je me sens en capacité de bosser.
Est-ce que je regrette? Clairement pas. Il va me falloir du temps pour confronter cette nouvelle apparence à mon entourage, à ma vie sociale, mais j'aime beaucoup ce que je vois dans mon miroir. Il m'arrive de me dire que c'était pas assez, qu'il faudrait, aussi, s'occuper du nez, à l'occasion, mais j'adore désormais mon regard, indubitablement féminin et ma bouche, et la forme générale de mon visage.
Au point que j'ai désormais hâte de subir l'ultime opération, qui ne devrait pourtant pas se faire avant... 2025. Et je ne suis pas encore totalement sûre de la nature de celle-ci. Ce qui est sûr, c'est que je ne conserverai pas ce truc. Toute ma dysphorie semble s'être concentrée entre mes jambes depuis quelques jours. L'avantage, c'est qu'il est caché quasiment tout le temps. L'inconvénient, c'est qu'il m'empêche toujours de me projeter dans une relation intime, et je ne suis pas sûre que l'opération y changera véritablement quelque chose à ce niveau.
D'un point de vue visuel et pour les sensations, c'est impératif, mais... ça restera différent d'un sexe cis.
J'ai du temps avant de me décider.
D'ici là, je vais régler la question de la transition sociale et administrative, et je revois le chirurgien du visage dans 12 jours.
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