Ces derniers jours me font penser à des montagnes russes. La pression monte pour chaque jour qui me rapproche de ma féminisation du visage, qui induit en même temps une grosse avancée dans ma transition sociale. Idem, à bien moindre échelle, pour ma représentation théâtrale un mois plus tôt qui va m'obliger à faire ma meuf avec des atours stéréotypés féminins devant plein de gens que je ne connais pas. Le rendez-vous avec le fabricant de vagins aura été extrêmement décevant et même déprimant, comme je l'ai indiqué dans ma précédente publication.
Mais le lendemain, j'ai revu ma toubib préférée, endocrinologue de son état.
J'adore cette jeune femme, sa bienveillance, son franc-parler, son intelligence, son écoute, sa simplicité, sa modernité... Si tous les soignants pouvaient être comme elle, le monde serait tellement meilleur. Et en plus, derrière son masque et sa blouse, je la devine particulièrement jolie, ce qui ne gâche rien.
C'est toujours un grand plaisir d'échanger avec elle, et je regrette, chaque année, que ce soit si court et pas plus fréquent.
Au niveau de mon suivi hormonal, les taux sont bons, les objectifs sont atteints, il faut donc les maintenir.
J'ai pesté sur les patchs, dont les stocks sont souvent en tension, et, surtout, qui prennent une place de dingue. Se trimbaler en permanence ces machins transparents, mais visibles, au toucher plastifié qui finissent invariablement par se décoller et laisser des résidus dégueulasses, c'est pénible. Surtout s'il faut se les coller à vie.
Quitte à choisir, je lui ai indiqué que je préférais encore le gel, finalement. Très contraignant aussi, pénible à appliquer, tous les jours, mais a priori avec du stock et au moins, ça ne se voit pas.
Mais vu que je ne fume plus, que je ne vapote plus, que je ne prends plus d’anxiolytiques, que mes analyses sanguines sont bonnes et que je n'ai pas d'antécédents inquiétants dans ma famille, elle a décidé d'essayer la pilule. Il suffit d'en prendre deux par jour, le matin, tous les jours. Et en plus, c'est du calibre d'un granulé d'homéopathie.
À voir sur le long terme, avec prises de sang régulières, si ça me réussit ou pas. Mais en tout cas, c'est un sacré soulagement.
L'autre question me taraudait depuis longtemps, mais quelque chose m'empêchait d'aborder le sujet. Comme si j'avais une sorte de blocage, j'oubliais systématiquement. Mais là, la proximité, malgré tout, de l'opération de réassignation génitale, m'a un peu forcée la main.
J'avais déjà rencontré la docteure du CECOS qui m'avait présenté les différentes options pour préserver mes gênes. J'en avais déjà parlé dans un précédent article. Et elle m'avait dit qu'il serait nécessaire, pour avoir une petite chance que ça fonctionne, d'arrêter les hormones pendant au moins six mois.
Il fallait donc que je sache ce que cet arrêt allait impliquer, concrètement, d'un point de vue physiologique.
Je ne vais pas rentrer dans le détail, mais il y a un effet indésirable totalement rédhibitoire pour moi: le retour de la pilosité.
Le reste ne devrait pas trop bouger, mais la barbe a de très fortes probabilités de revenir. Et c'est non.
C'est non, parce que j'ai jamais autant douillé qu'avec les séances de laser. C'est non, parce que je suis encore en train de douiller avec l'électrolyse. Et ça fait plusieurs années que je souffre, alors qu'il y a toujours du boulot. C'est non, parce que ma dermato, la seule de la région à ne pas pratiquer d'inabordables dépassements d'honoraires, prend sa retraite en fin d'année prochaine.
C'est non, parce que mes poils sont source d'une grande dysphorie, chez moi.
Entre la préservation de mon patrimoine génétique et la disparition de mes poils, je choisis la seconde option. Parce que pour moi la première n'a jamais été essentielle. S'il y avait eu une possibilité un peu plus acceptable, je l'aurais fait, mais là: non.
Et c'est là qu'on parle des parcours de transition...
Il est compliqué de trouver des praticiens compétents, bienveillants et qui acceptent d'accompagner une personne trans dans sa transition médicale, alors on fait ce qu'on peut.
Quand je suis entrée dans le dispositif transidentité, ma transition hormonale était déjà débutée depuis longtemps. De tels dispositifs sont rares et celui-ci est menacé.
Pourtant, rencontrer un psychologue, chargé de s'assurer que tout va bien dans ce long moment périlleux, pour nous accompagner et nous orienter vers les autres disciplines dont nous pouvons avoir besoin, tout en nous informant au mieux sur les protocoles, ça devrait être la norme.
Parce qu'en tant que personne trans, on manque généralement d'informations, on galère à trouver les bons toubibs, on s'angoisse à ne pas savoir précisément où on va...
Là, très concrètement, si j'avais rencontré la madame du CECOS avant d'entamer les hormones, on n'en serait pas là. Les gênes de ma famille seraient probablement dans un congélateur, à attendre qu'une ou plusieurs personnes, veuillent bien les mêler aux siens.
Encore une fois, en ce qui me concerne, ce n'est pas tragique, je n'y étais pas très attachée, mais je me mets à la place d'une autre, qui pourrait mal le vivre.
Et je pense, surtout, à mon endocrino qui a l'impression de faire partie d'une secte, tellement elle se sent seule dans ce type d'accompagnement, qui ne sait pas non plus à qui elle va pouvoir adresser ses patientes désireuses de se faire enlever les poils de manière définitive, qui aimerait travailler en concertation avec les autres praticiens, qu'elle ne rencontre jamais, pour pouvoir s'améliorer, pour former d'autres personnes...
Elle pense que la génération de médecins qui est en train de se former sera bien meilleure que celle qui exerce actuellement. Il faut l'espérer.
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