Jeudi soir, je suis allée au cours de théâtre, où j'espère prendre confiance en moi et m'affirmer en général et en tant que femme en particulier.
Au début, j'étais dans le public, à regarder quatre autres comédiens apprentis jouer un sketch, et j'ai été surprise de voir celle qui semble avoir le plus de caractère dans le groupe coincer sur son texte, balancer ses notes, de rage, et pester parce que "il y a une demi-heure, avec mes enfants, je le connaissais par cœur". Oui, mais devant nous, elle a perdu ses moyens, et elle se dit que devant 200 personnes, la plupart totalement inconnues, ça va être l'enfer.
J'ai été d'autant plus surprise que je suis passée après et... j'étais excitée à cette idée. Pas d'angoisse, juste de l'excitation. Surprise d'être la seule de tout le groupe à y aller sans ses notes, en me disant "au pire, on me soufflera si j'ai un trou". Et j'ai pas eu de trou. J'étais même en capacité de souffler les répliques de mes partenaires, de rester dans mon rôle en les voyant éclater de rire...
Bien sûr, j'avais le palpitant en folie quand je suis sortie de là et il a fallu un moment pour qu'il se calme, mais... c'était pas de l'angoisse. Et c'était très perturbant.
Je me rends compte, avec le recul, que je suis habituée à me choper des crises d'angoisse qui peuvent aller jusqu'à la panique. J'ai appris à vivre avec, entre stratégies d'évitement et stratégies pour donner le change et tenir juste le temps qu'il faut sans s'effondrer. Et donc, je m'attends toujours à avoir ce type de réactions. Je continue à anticiper des scénarios catastrophe en prévision de mes interactions sociales, et donc je suis surprise que ça n'arrive pas.
J'ai donc besoin de temps, pour remettre les choses en ordre dans mon esprit. Je me demande ce que ce sera quand je n'anticiperai plus les pires scénarios, quand j'aurai pleinement intégré cette nouvelle donnée.
Pour le moment, je me demande si ce n'est pas transitoire. J'ai évidemment besoin d'expérimenter dans la durée, mais tout état de cause, c'est extrêmement positif.
On me demande, bien sûr, comment j'ai fait et... c'est compliqué. Je ne suis pas sûre que la transition puisse être incluse dans le remède, mais il est manifeste qu'elle n'entrave pas ma guérison, à tout le moins.
Le théâtre, évidemment, produit son effet, parce qu'il permet de m'exposer à des situations jugées complexes et que je suis bien obligée de voir, même dans les premiers temps, que le pire n'arrivait pas, bien au contraire.
Ma rupture conventionnelle et la distance que j'ai prise par rapport à ce milieu hyper violent ne peut qu'aider, mais je pense, comme pour la transition, que ce n'est que secondaire.
Non, ce qui fonctionne vraiment, c'est la psychothérapie que j'ai démarrée en septembre.
Déjà, il y a la littérature. Ma psy m'a donné une liste de livres à lire pour accompagner ma thérapie et m'aider à la comprendre et... effectivement ça aide.
Grâce à La peur des autres, de Christophe André et Patrick Légeron, que je suis en train de lire, je comprends (enfin) le fonctionnement des tableaux de TCC, qui aident à intégrer que le pire n'arrive jamais lors des "séances d'exposition" à ses phobies.
Ce qu'on découvre c'est que plus on évite les situations qui nous angoissent, plus elles nous angoissent, alors que si on s'y expose de façon progressive et rigoureuse, en commençant par les moins problématiques jusqu'à celles qui peuvent nous provoquer des crises de panique, on fait baisser le niveau d'angoisse assez rapidement.
Le livre permet de comprendre les mécanismes, comment ça fonctionne et pourquoi ça fonctionne avec de nombreux exemples.
Mais dans mon cas, je pense que c'est aussi secondaire, parce que je n'ai pas été très rigoureuse dans mon exposition.
L'autre livre qui m'a aidée, c'est Méditer jour après jour, toujours de Christophe André. J'étais plus que sceptique sur la méditation et la pleine conscience en particulier, parce que se concentrer, se vider la tête... c'est définitivement pas mon truc. Rien que l'idée de me poser et de fermer les yeux, je me dis "ok, mais j'ai pas que ça à faire". Quand on angoisse facilement, on doit en permanence occuper son esprit, pour ne pas se faire déborder.
Sauf que justement, faire l'effort de se poser et de se confronter à cet esprit capricieux, qui ressasse, anticipe, peste en permanence, c'est une expérience intéressante. Ça permet de prendre du recul et de voir comment on fonctionne. L'idée n'est pas de se vider la tête, mais au contraire de regarder ces pensées nous traverser l'esprit et apprendre, de façon très progressive, à leur donner l'importance qu'elles méritent, et à leur échapper, de temps en temps, l'espace de quelques secondes, pour se centrer sur l'instant présent, qui n'est pas la tragédie du passé qu'on ressasse, ni la catastrophe qu'on anticipe. Oui, on a souffert et on souffrira encore, mais là, les oiseaux chantent, mon corps respire, je suis posée dans mon canapé, sous un toit, des voitures passent, la Terre tourne...
J'ai aussi regardé quelques vidéos de sophro sur Youtube, pour apprendre à respirer avec le ventre et donc gérer l'afflux d'oxygène dans le cerveau.
Et puis, il y a eu Dépasser le passé, de Francine Shapiro. En soi, le livre ne m'a pas aidée à baisser mon niveau d'angoisse, mais il m'a incitée à me payer des séances d'EMDR. C'est pas donné. 125 euros à chaque fois, mais je pense que c'est ça qui a été déterminant. Le livre présente la technique au travers de nombreux exemples.
Et quand on se retrouve, avec son esprit sceptique, dans le cabinet d'une dame qui se met à agiter son doigt devant vous, à deux mètres de votre chaise, en vous demandant de le suivre du regard pour guérir de vos traumatismes, c'est pas inutile d'avoir eu une petite préparation pour s'éviter de fuir en courant.
Malgré cette lecture, je ne comprends pas comment ça marche. Je me demande même s'il est vraiment utile de bouger les doigts comme elle le fait, si la simple exposition prolongée et assistée à ses traumas ne suffit pas. Mais on s'en fout: j'ai changé et je pense que c'est en grande partie grâce à cette technique.
Aujourd'hui, je peux vraiment faire preuve d'empathie parce que je me sens reconnectée avec mes émotions, et je peux donc m'affirmer grâce à ça. Je ne suis plus un robot totalement perdu au milieu des humains, à les singer avec un certain talent, mais qui panique rapidement parce que c'est épuisant nerveusement de jouer un rôle, de singer des émotions et d'essayer de décrypter celle des autres. Maintenant, j'ai l'impression que je fais ça naturellement, parce que ma mémoire traumatique ne vient plus entraver ce travail de l'ombre et donc, forcément, je me sens bien plus à l'aise, comme si j'avais recouvré un sixième sens perdu depuis près de trente ans.
Et évidemment, dans le cadre de ma transition, c'est primordial. Je peux désormais m'exposer en tant que femme, de façon progressive, en m'imaginant les pires scénarios, toujours, mais... avec la conscience que ces scénarios n'arriveront pas. Step by step.
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