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Une séance d'hypnose vue de l'intérieur

 Cet après-midi s'est déroulée ma seconde séance d'hypnose, dont le but était d'en finir avec ma dissociation traumatique. Il y avait déjà eu une première étape, qui avait manifesté débloqué pas mal de choses en moi. C'était une étape préparatoire, avant celle-ci.

J'en avais peur et vous allez comprendre pourquoi, mais bien moins que lors de ma première séance, en fin d'année dernière. Cependant, plutôt que de la décrire en termes psychologiques voire techniques, ça me semble plus intéressant de la décrire de l'intérieur. Comment je l'ai vécue.

Parce que, finalement, ça ressemble fortement un rêve, lucide et guidé, dans lequel on reste malgré tout libre. Et surtout, il s'agit de notre monde. Un monde de symboles, de métaphores et donc d'images.


Notre histoire commence donc dans le jardin de ma grand-mère. C'est le lieu rassurant, pour moi. Parce qu'il y avait la bienveillance de ma grand-mère et de son univers, parce qu'il y avait la terre de ma famille, parce qu'il y avait la nature partout, parce que c'est là que j'ai passé mon enfance, la période où tout allait bien. Même si tout ça s'est largement corrompu par la suite.

J'ai donc arpenté ce jardin, et même la cour et la maison dans tous les sens. J'ai revu la balançoire, les cerisiers, les fraises, les framboises, le tas de fumier qui grouillait de bestioles, l'odeur de la paille dans la grange, la rhubarbe et ses énormes feuilles, les prunes, le tonneau d'eau de pluie avec ses larves de moustiques, les orties, les salades, les pommes de terre, les poules, les lapins dans leurs clapiers, le bruit de la pluie et l'odeur de la terre après l'averse, la sensation des feuilles contre ma peau quand je courais... 

Une fois revigorée et rassurée par tous ces éléments, toutes ces ressources qui constituent mon espace personnel sécurisé, je me suis souvenue que ce jardin donnait sur d'autres jardins, ceux des voisins. Il y avait tonton Marc, bien sûr, qui n'était pas mon tonton mais qui était rigolo quand même et Suzanne qui racontait des belles histoires, et puis Jean, qui passait son temps à bêcher son jardin. Il était gentil, Jean, mais il n'avait jamais grand chose à dire.

Et puis, il y avait un autre chemin que je n'avais jamais remarqué; un chemin qui menait vers une grande salle, blanche, lumineuse, au centre de laquelle se trouvait un imposant saule pleureur, dont les branches bruissaient avec le vent. J'ai écarté ses branches pour m'approcher de son tronc, autour duquel il y avait un espace assez vaste, et sombre. Dans cet espace, il y avait des valises, et puis une boîte que j'avais moi-même cachées là il y a bien longtemps.

J'ai commencé à me sentir très mal à l'aise. Je savais qu'il ne pouvait rien m'arriver, que le saule pleureur agissait comme une bulle protectrice, mais... je n'avais pas mis ces valises et cette boîte ici sans raison. Cette boîte surtout, petite, noire, brillante, métallique. Je l'appelais la boîte de Pandore. A l'intérieur, j'y avais enfermé il y a bien longtemps une incommensurable souffrance.

Les larmes aux yeux, j'ai détaché la clé qui se trouvait sur le tronc, juste au-dessus. La main tremblante, j'ai déverrouillé la boîte et j'ai reculé. J'aurais pu la laisser là, le couvercle fermée, et revenir, ou pas, une autre fois pour en finir. Mais je l'ai ouverte. Parce que c'est ma boîte. Parce que même si ce qu'elle contient me terrifie, ça m'appartient, ça fait partie de moi.

S'il n'y avait pas eu ce saule pleureur, si je ne m'étais pas trouvée dans mon espace personnel rassurant, j'aurais pu sombrer. J'ai vu ma vie défiler devant mes yeux. Toute ma souffrance, mes ténèbres, mes fantômes, toute l'horreur que j'avais enfermée là m'a assaillie.

Et pourtant, je n'ai pas lutté. Je n'ai pas essayé d'enfermer de nouveau ce monstre protéiforme dans cette funèbre boîte, comme j'en avais l'habitude. Je l'ai accepté.

De retour dans le jardin de ma grand-mère, je me sentais extrêmement crispée. Impossible de retrouver le bien-être du début. Le temps tournait à l'orage. Je me trouvais face à mon autre moi. Ma partie rationnelle, qui se targuait d'être aussi juste qu'une balance, faisait face à la partie émotive, celle qui avait fini par se transformer en scorpion, enfermée dans cette boîte. Une affreuse et terrifiante bestiole qui rampe sur le sol et qui peut empoisonner jusqu'à la mort avec son dard. Cette partie ressentait une effroyable colère, de la haine, à force de vivre dans les ténèbres, totalement isolée. Toutes ces années à hurler de trouille ou de rage et à ne recevoir que des coups de pieds et des réprimandes.

Pour réconcilier ces deux parties, il a fallu un très long moment. D'abord pétrifiée, la raison a fini par reconnaître ses torts, et qu'elle a besoin de l'autre, que ce système déséquilibré ne fonctionne que très mal. La partie émotive le savait déjà depuis longtemps, mais elle ne pouvait être entendue.

Du bout des lèvres, elles ont fini par se promettre de travailler ensemble, à l'avenir. La raison n'enfermerait plus les émotions dans une boîte, et les émotions se calmeraient alors, progressivement.

Je ne ressentais absolument aucune plénitude. Mes yeux restaient emplis de larmes. Quand je suis sortie de ce rêve, je n'avais qu'un mot en tête: "violent". Je ne m'attendais pas à autre chose. Je crois même que je m'attendais à pire. C'est pour cette raison que cette séance m'effrayait.

J'ai ouvert la boîte de Pandore. Les pires fléaux se sont abattus sur moi et ils vont sans doute me tourmenter pendant quelques temps. Mais au fond de la boîte, il reste l'espoir. Et ces fléaux, ils sont inhérents à la condition humaine. Sans le contenu de cette boîte, je ne suis qu'une machine à peine améliorée, qui se demande ce qu'elle fout sur Terre.

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