En pleine transition, à 41 ans, il m'arrive souvent de me dire que je ne réussirai plus à plaire à personne. Ou du moins que je ne vivrai plus d'attraction réciproque. Il m'arrive de me trouver "pas trop mal", mais... il faut des conditions particulières de lumière, d'angle etc Bref, il faut bien chercher pour que je trouve un peu de beauté en moi.
Hors de question donc de chercher à séduire dans ces conditions.
Raison pour laquelle, l'intérêt qu'autrui peut nous accorder présente une importance absolument primordiale. Il y a quelques temps, j'ai appris qu'à mon boulot une jeune femme se faisait surnommer "la grande Duduche". Je me suis donc demandé quel surnom ces mêmes personnes pouvaient me donner, quelle image je pouvais avoir.
Heureusement, depuis déjà quelque temps, j'ai une relation super épanouissante au boulot avec une jeune femme absolument géniale. En permanence, elle se fait complimenter sur sa beauté, à juste titre, à ceci près que ça doit être très lourd, pour elle, même si oui elle répond à tous les canons de beauté actuels. Parce qu'elle ne se limite pas à ça: elle est brillante. Et surtout, on passe notre temps à se marrer. On est sur la même longueur d'ondes niveau humour. C'est par une vanne qu'on a commencé à discuter et ça ne s'arrête plus.
Il y a quelques semaines, on m'a fait remarquer, indirectement, qu'il y avait comme quelques jalousies, à mon égard. Parce que, je dois le rappeler, je reste en "boymode" et c'est en mec que je suis perçue dans cet univers hétérocentré. Donc forcément, un mec, une femme qui passe son temps à rire à ses vannes... Une saine amitié? Mais bien sûr...
Et il y a deux jours, j'ai eu un doute.
Alors que je l'ai croisée sur la route du boulot, elle a adopté une attitude qui m'a un peu fait tiquer. On n'a pas sorti de vannes, et pourtant dès qu'elle m'a vue, elle s'est mise à rire, et à se trémousser. Et c'est vrai que ça pouvait ressembler à une attitude de séduction féminine.
Perturbant. Moi qui peux me faire allumer violemment pendant des heures sans m'en rendre compte, je me dis que si je tique, c'est qu'il doit y avoir une raison. Mais... autant que je sache, elle a déjà quelqu'un. Je lui ai même dit que c'était le bon et qu'il fallait le garder, et je l'ai même répété devant lui. Parce qu'il pouvait l'attendre à la sortie du boulot pendant plusieurs heures dans sa voiture. Et c'est sincère: elle a l'air épanouie avec lui. Moi, rire avec elle, les quelques heures de temps en temps, quand nos emplois du temps concordent, ça me va très bien.
Soit. J'ai continué ma route, en me disant qu'après tout, je suis nulle en interprétation de comportements, surtout quand il s'agit de séduction.
Et puis, je me suis retrouvée sur mon lieu de travail, avec un sandwich décevant, et surtout face à un miroir, de deux mètres de haut sur un mètre de large, qui me renvoie toujours une image dégueulasse de moi. Chaque fois mon regard se pose sur cette horreur, dans l'espoir d'y voir, malgré tout, autre chose. Et non. La tête, bouffie, qui commence à se friper et le look, chargé, hivernal. Bwerk.
A côté, un groupe de personnes se prend la tête, avec des répliques qui me font éclater de rire, planquée derrière mon sandwich. C'est à ce moment qu'une autre jeune femme, non moins brillante, non moins jolie mais d'un autre genre de beauté, se rapproche de moi et vanne sur ce groupe. Evidemment, je renchéris, on discute, on vanne de nouveau... Qu'est-ce qui se passe?
Le côté cocasse c'est que ça fait quelques années qu'on se croise sans se parler. Mais depuis plusieurs semaines, j'avais remarqué qu'elle me regardait régulièrement et en particulier dans des moments où d'habitude on ne me regarde pas: on reste focus sur son boulot, sur sa tâche. (Vous remarquerez mes efforts pour vous empêcher de deviner de quel travail il s'agit) Ca m'avait intriguée. Evidemment, ma paranoïa m'avait soufflé que c'était à cause de mon androgynie, parce que je suis pas tout à fait dans la norme, que je suis bizarre. Mais je ne le trouvais pas malaisant, ce regard. Je ne savais franchement pas comment l'interpréter. Donc je l'ai pas interprété.
Sauf que là, après l'avoir vue se rapprocher de moi, de façon très progressive, un pas après l'autre, alors qu'elle avait un grand nombre d'options différentes pour passer le temps, j'ai pas pu m'empêcher de me dire que c'est EXACTEMENT comme ça que j'aimerais qu'on me drague, dans la vraie vie. Progressivement, sans violence, sans brutalité, en installant une connivence, par le rire.
J'ai pas le souvenir que c'est déjà arrivé, avant ma transition. Je ne crois pas que ce soit arrivé, là. La mère Noël, en avril... non, je marche pas. Elle doit me trouver sympa, rassurant(e), d'autant que sympathiser avec moi peut lui apporter un avantage professionnel. Et puis, elle ne doit pas avoir tilté que je suis trans, ce qui peut poser un petit souci, pour pas mal de monde.
Qu'importe? Ce sont des moments agréables. Ma transition n'empêche pas ce genre de rapprochements, et c'est déjà énorme pour moi. Je ne suis pas repoussante. J'ai des qualités, on peut m'apprécier. Ca peut sembler con à dire, mais ce n'est pas évident tous les jours pour moi. C'est primordial.
Et puis, même si je n'y crois pas, j'ai quand même la possibilité de rêver, d'imaginer que c'était bien de la séduction. Et ça ne m'était plus arrivé depuis... 2016? 2015?
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