La gestion des hormones, c'est la base dans le cadre d'une transition médicale. Et c'est absolument primordial parce que ça joue non seulement sur le physique mais aussi sur le mental.
Jusque-là, moi qui n'y connais absolument rien avec mes études de lettres, j'étais suivie par plusieurs généralistes, successivement. Et comme j'en ai parlé dans un précédent article, j'ai eu quelques gros doutes sur celle qui m'a suivie le plus longtemps.
Alors, quand mon généraliste habituel, qui n'y connaît absolument rien en trans-identité et n'a pas le temps de se former, m'a donné les coordonnées d'une endocrinologue, juste à côté de chez moi, j'avais franchement du mal à y croire. D'autant plus quand j'ai reçu mon rendez-vous, tout juste quelques jours après sa prise de poste.
Trop beau pour être vrai.
Et le rendez-vous, c'était aujourd'hui. J'y suis donc allée avec un certain stress. J'avais peur d'être déçue, peur de repartir avec le même traitement décrié, peur de devoir, après une nouvelle perte de temps, essayer de trouver un nouvel endocrinologue.
Le courrier ne me mettait pas spécialement en confiance. A la place du "Madame, monsieur" traditionnel qui évite toute erreur diplomatique, il y avait un simple "monsieur", clair, net, définitif. Blessant. De mauvais augure.
Effectivement, au secrétariat, je suis "monsieur". Je ne m'en formalise pas: sur mes papiers, c'est toujours le cas et physiquement... les gens hésitent, souvent.
J'attends donc dans la salle idoine, en nage, l'arrivée de la toubib. Première remarque: elle est jeune. Avec le masque, difficile de se rendre compte, mais elle peut avoir moins de 30 ans. Elle a une voix douce, lente et donc apaisante.
En arrivant dans son bureau, elle ne le fait pas exprès, mais elle aide à me détendre avec un simple "pardon, j'ai bavé... enfin, je veux dire..." Il y avait effectivement un peu de gel hydroalcoolique sur le bureau. Je suis bon public, ça me fait rire et j'ai envie qu'on parte là-dessus.
J'arrive à 14h50, je suis repartie vers 16h15. Je m'attendais à ce que ça dure trente minutes maxi, par habitude. Elle m'a posé énormément de questions, parfois plusieurs fois les mêmes. Elle hoche la tête à chacune de mes réponses, mais poker face: je ne sais pas ce qu'elle pense de tout ce que je lui dis. Je lui explique ce que je fais là, mon parcours, mon métier, mon traitement actuel, mes prises de sang, mon boulot, mes éventuels autres problèmes de santé, mes attentes... C'est perturbant, cette absence de réaction. Je continue à suer, je me demande ce qu'elle se dit, si elle ne me trouve pas débile. J'ai l'impression que mes propos sont décousus, parce qu'ils le sont. On parle de ma puberté, de suivi psychologique, de dissociation traumatique, de libido, de mes parents, de ma sœur... Je lui résume ce blog, en somme.
Et là, surprise, elle m'examine. Elle veut voir ma peau, mes pieds, mes jambes, mes bras, mon dos, mon torse, mon visage, ma tension, mon poids... Et je repense à ce moment, quelques heures plus tôt, où je me suis demandé ce que je devais me mettre comme sous-vêtements... Ma conclusion, ça a été que je suis suivie depuis trois ans pour mon endocrinologie, et j'ai jamais eu à me foutre à poil une seule fois. C'était donc franchement dépareillé. Et donc, réplique, un peu gênée: "Euh... ben en fait, vous êtes la première à me voir comme ça... Mais ça va, pas de souci, vous êtes médecin, alors..."
Bilan: ma peau est très belle, très douce, ma pilosité très faible, je dois m'attendre à quelques soucis veineux sur le long terme, "comme beaucoup de gens", mon visage est "plus féminin sans le masque" (j'ai peut-être un peu ronronné quand elle m'a dit ça), bref globalement tout va bien.
Petite remarque aussi sur mon soutif, qui lui plait bien, avec les sangles croisées derrière, conçu pour le sport.
Arrive le moment où c'est elle qui parle et là aussi, elle prend son temps pour bien expliquer et... elle me rassure. Bien sûr, confraternité, elle ne casse pas de sucre sur le dos de sa consœur. J'ai néanmoins le sentiment que c'est pas l'envie qui manque. Elle me demande à quand remonte le dernier contrôle de ma prostate? Ha bon? Il faut la surveiller? Ce sera tous les six mois, à peu près, via une prise de sang. Elle me fait une prescription pour une prise de sang, nettement plus fournie que d'habitude, avec des éléments que je ne connaissais pas.
Vient la question du traitement en lui-même. En se basant sur mes prises de sang, elle conclue que l'anti-androgène plus que contesté, que je prends malgré mon insistance auprès de sa consœur pour arrêter, est non seulement dangereux, mais... inutile, en l'état. Au pire, il y a des alternatives nettement plus sécures. Je devrais donc échapper au méningiome. Quant aux œstrogènes, on ne touche à rien pour le moment, le taux est bon, selon elle.
Je devais me coltiner 50 km tous les trois mois, avec la précédente toubib, pour 15-20 minutes de consultation qui me laissait sceptique. Là, je dois la revoir dans six mois, dans son cabinet situé à... 3 km de chez moi, peut-être.
J'ai néanmoins été surprise qu'elle ne connaisse pas mes patchs, que je lui ai montré dans une pose très, très classe. Et elle a tout de suite compris l'intérêt, même si, comme je lui ai expliqué, il y a souvent des pénuries et les alternatives sont nettement moins confortables.
Il y a aussi quelques vannes, de part et d'autre. J'ai senti la même énergie qu'avec mon orthophoniste, qui doit être à peine plus jeune. Elle ne me connaît pas encore bien, donc elle me jauge pour voir jusqu'où elle peut aller niveau coolitude. Je pense qu'on va vivre des moments sympas.
D'ailleurs, on a aussi parlé de la difficulté de trouver des praticiens formés dans ce domaine. Je lui ai dit que j'avais l'impression qu'en orthophonie, beaucoup d'étudiants semblent s'intéresser au sujet. De son côté, elle espère que la génération actuelle, celle qui a 20 ans, va relever le niveau et se montrer moins transphobe, avec, donc plus de praticiens correctement formés, compétents...
On s'est échangé quelques noms de praticiens transfriendly et compétents pour nous accompagner. Signe qu'il y a un vrai manque à ce niveau. Je lui ai demandé si je peux la recommander à d'autres personnes trans du coin. Elle m'a donné son accord, mais elle préfère ne pas être seule dans l'accompagnement. Donc il vaut mieux avoir un suivi psychologique, en lien et en parallèle.
A suivre dans six mois, donc.
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