Comment pourrait-on m'aimer, moi transgenre, si moi-même j'ai toujours cette forme de rejet, viscéral et néanmoins acquis, envers les personnes trans? Comment pourrais-je me considérer comme aimable si... je ne le suis effectivement pas. Je me déteste parce que je suis trans et aussi parce que je suis transphobe. Génial. Ca m'a l'air bien engagé, cette histoire.
L'idéal serait probablement de rencontrer régulièrement des gens comme moi, en vrai. Sauf qu'on est en pleine pandémie, avec couvre-feu et tout et tout.
J'ai vu sur Twitter que beaucoup de personnes trans auraient la trouille de transitionner par peur de devenir "moche". C'est intéressant.
Qu'est-ce que ça veut dire "moche"? Personne n'a la même définition, et heureusement. Mais dans ce contexte, j'ai l'impression que ça signifie "qui ressemble à un trans, autrement dit un mec qui essaie de ressembler à une femme". Et effectivement, même si ça reste vague et que beaucoup de femmes cis peuvent rentrer dans cette définition, ce n'est pas du tout le genre de physique mis en avant dans les magasines ou les médias. Ce n'est pas du tout le genre de physique qui suscite le désir, dans notre bonne société.
On peut vouloir ressembler à Scarlett Johansson, à Jennifer Lawrence ou à Emmanuelle Béart, mais pas à Katia dans Le Père Noël est une ordure. Personne. Et pourtant, surtout si on commence plus ou moins tardivement la transition, il y aura toujours, ou quasi, des petits détails qui pourront nous trahir. Nous ne serons jamais cis.
A partir de là, il faut tirer un trait sur la plupart des gens. C'est à dire ceux qui vont se focaliser sur ces détails qui peuvent nous trahir et nous rejeter parce que nous sommes trans. On pourra être amis, collègues, membres de la même famille, fréquentations sans que ça gêne, sauf pour une partie, mais l'intimité, ça va être beaucoup plus compliqué.
La solution, c'est de se considérer comme "pas moche", voire belle, beau, de ne plus être comme la plupart des gens, s'élever au-dessus de la masse. Ce qui permettrait de trouver "pas moches" les personnes plus ou moins comme nous et donc... d'envisager des relations plus intimes, et plus vraies. La lumière.
Le souci, évidemment, c'est que ça ne se décrète pas. On ne nettoie pas de la merde incrustée, dans mon cas, depuis une quarantaine d'années et toujours répétée à l'envi dans les médias, la société d'un claquement de doigts. Il faut du temps, des expériences.
C'est plus simple quand on est jeune, qu'on a toute la vie devant soi, qu'on fait partie d'une génération où la transidentité a une image un peu moins négative, qu'on peut tester des trucs, se chercher sans passer pour une tordue.
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