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Je n'ai jamais voulu être une femme

 Une phrase prononcée par une détenue dans Orange is the new black à propos du personnage joué par Laverne Cox m'a profondément marquée, parce qu'elle résume, je pense, une véritable problématique pour toute femme trans. "Elle a gagné le gros lot au loto de la vie et elle demande à ce qu'on lui rembourse son ticket!".

Voilà pourquoi beaucoup nous voient comme des cinglé(e)s. C'est effectivement totalement illogique, absurde. Je suis blanche, valide et en apparence un mec et hétéro. Il ne me manque que la célébrité et la richesse pour faire carton plein niveau privilèges. Et j'ai entamé une transition médicale qui doit m'en faire une grosse partie de ces privilèges.

Mon cerveau ultra-rationnel, dont les émotions sont filtrées, n'aime pas ça du tout. Ca n'a absolument aucun sens.

C'est pourquoi au niveau social, j'avance avec le frein à main. C'est pourquoi au niveau vocal, il m'est compliqué d'abandonner une voix perçue comme dominante pour adopter une voix méprisée. Je la déteste, cette voix grave, râpeuse, déprimée et déprimante, mais elle me sécurise.

J'ai en tête de nombreux exemples de moqueries sur des voix haut perchées. Pour des hommes, c'est perçu comme ridicule, pour des femmes, c'est agaçant. On prend au sérieux quelqu'un qui parle comme Barry White, beaucoup moins quelqu'un qui a la voix de Nabila.

Ce n'est qu'un exemple, bien sûr. Plus j'avance dans ma transition et surtout plus je lis des femmes, cis comme trans, et plus je me rends compte du fossé qui sépare les hommes et les femmes. Qui voudrait sérieusement être "considéré" comme une femme trans? Ce serait passer du sommet de la pyramide au fond de la base. Et l'idée, ce serait d'avancer dans la transition pour se retrouver juste au niveau de la base, que les gens ne voient pas le côté "trans".

Cela dit, ça pourrait être encore pire. Je reste blanche et valide... Je pourrais être TDS, aussi.

Mais voilà, ce n'est pas un choix. Ca n'a rien de rationnel. C'est comme ça. Le seul choix, c'est celui de la transition et de ses différentes étapes. Un choix qui ne se base donc sur rien de rationnel, mais sur un ressenti, qui s'améliore, ou pas. Comment le savoir sans avoir essayé? Il faut le sentir dans ses tripes. Et prendre son temps, quand c'est possible.

Pour le moment, je garde en partie mes privilèges. Je n'arrive toujours pas à me résoudre à franchir le Rubicon. Mon cerveau ultra-rationnel me hurle que ce serait du suicide. Mais il veut bien y aller petit à petit.

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