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Je n'ai plus de pomme d'Adam

 Appelez moi Eve. Ou pas.

Je n'arrive jamais à retenir le nom de cette opération, parce que les différents médecins qui m'en ont parlé ont utilisé des termes techniques compliqués. A l'hôpital, il était question de "thyroplastie". 

Niveau angoisse, j'ai géré. Je m'attendais à bien pire. Par contre, niveau respect des consignes, j'ai un peu merdé. J'ai été surprise d'apprendre que j'avais le droit de boire le jour de l'opération, à six heures, au réveil. Un verre. D'eau, de thé, de jus de pomme, de raisin. Surtout pas de lait. Je n'avais pas compris qu'il fallait aussi éviter la pulpe et les bulles. D'habitude, je bois du thé glacé, le matin. Là, je m'étais dit que c'était un peu stupide de boire un excitant avant de prendre un anxio suivi d'une anesthésie générale. Alors, j'ai bu un grand verre d'Orangina. Bien secoué. Sinon la pulpe, elle reste en bas. Dommage...

Je suis arrivée un peu avant 7h15, l'heure convenue. Il y avait pas mal de monde. J'ai dû attendre une bonne demi-heure avant de me faire enregistrer et conduire jusqu'à ma chambre. Là, on m'a demandé si j'avais quelqu'un pour me récupérer "ce soir". "Ce soir"??? Je m'attendais à repartir en début d'après-midi, au pire vers 15h... "En moyenne, c'est entre 17 et 19h", m'explique-t-on. Mauvaise nouvelle.

Dans la chambre, commence l'attente. Une infirmière vient me poser des questions. Elle me dit que je dois passer vers 10h40. Long. On me dit donc que je peux attendre avant d'enfiler la tenue de bloc. Vers 9h30, un infirmier vient me chercher: une place s'est libérée. J'aurais dû enfiler la tenue, au cas où. Je l'enfile en vitesse et direction le bloc. Sauf que j'ai laissé mon masque avec mes chaussettes. Erreur. Je dois me cacher le visage sous la couverture jusqu'à ce qu'on m'en file un.

Dans le bloc, on me pose les questions d'usage. A un moment, je réponds, naïvement, que j'ai bu de l'Orangina. Horreur, malheur. Ca s'agite. Non, je ne peux pas passer. Il faut attendre que ce soit digéré: 6h. Donc... après midi. Je m'en sors pas si mal: ils auraient pu me renvoyer chez moi. A la place, je me retrouve à attendre, sur le lit d'opération, en regardant la télé, pendant à peu près deux heures. On me donne la télécommande, je zappe l'émission de TF1, genre Demain nous appartient pour mettre des clips. Je n'entends quasiment rien mais ça se regarde. Je mets parfois BFM pour regarder l'heure.

Et je me lève deux fois pour me vider la vessie. Saleté d'Orangina.

Ensuite, on y va. Surprise! La perfusion me fait mal, l'arrivée du liquide me fait encore mal et je me sens super mal quand il commence à faire effet. Dans mes souvenirs d'anesthésies, ça n'était jamais arrivé.

La suite est pire.

Je me réveille plus que péniblement. J'ai mal. On me donne double dose de morphine. Il est 15h20. Je retourne dans ma chambre, j'essaie d'émerger, mais pas moyen. Je ne réussis pas à me vider la vessie. Je me force à avaler la compote, très lentement, parce que ça remonte, puis un yaourt, idem. C'est la condition: pipi et manger sans vomir pour pouvoir repartir. C'est pas gagné. Garder mes yeux ouverts me demande d'immenses efforts. Vers 18h30, une infirmière suggère que je pourrais passer la nuit à l'hôpital, pour qu'on puisse me surveiller. L'heure limite en ambulatoire, c'est 19h.

Je lutte, je réussis à m'habiller, à marcher, un peu, à m'asseoir. J'avais surtout besoin de temps. A la fin, je peux taper discute avec les infirmières, malgré la douleur. Je repars, enfin. 

Chez mes amis, je vais mieux. Je peux parler, mes yeux restent ouverts, mais hors de question d'avaler autre chose que de l'eau. La nuit se passe avec quatre ou cinq aller-retours aux toilettes, mais je me repose.

Le lendemain, j'arrive à avaler tartines, chocolat chaud, un peu de pizza et des pâtes pour le soir. Niveau fatigue, c'était supportable. J'ai pu aller à la pharmacie chercher le matos pour changer mon pansement et prendre rendez-vous avec une infirmière, entre autres. Par contre, ma voix s'était encore un peu dégradée.

Aujourd'hui, le surlendemain, niveau fatigue, c'est pareil, mais... je suis presque aphone. L'infirmière m'a dit que j'ai un léger hématome, normal à ce stade mais sinon tout est nickel.

Ce qui est "rigolo", c'est qu'à mon arrivée, au secrétariat, j'étais "monsieur", ensuite une infirmière m'a demandé si c'était "madame", ce qui a été respecté par... à peu près la moitié des soignants. L'infirmière qui a changé mon pansement n'avait jamais vu de personne trans jusque-là, sinon dans des reportages. Ou alors "sans le savoir". Je n'ai senti que de la bienveillance, de bonnes ondes et c'était important. Tant pis s'il y a eu un peu de mégenrage et quelques maladresses.

Plus qu'à attendre que je me rétablisse, ce qui peut prendre un certain temps. Plus que ce que j'aurais pensé.


Désolée, s'il y a des fautes et un peu de confusion, je suis quand même sous codéine, encore.

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