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Second déni

 Tout est lié.

Quand j'ai revu le psy qui m'accompagne dans ma transition, je lui ai bien plus parlé de mon trauma, que de ma transition, parce que c'est un frein évident. En réaction, il m'a proposé des exercices de pleine conscience pour me reconnecter avec mon corps, mes émotions, le présent. Et aussi, à terme, de m' "autoriser une dépression", avec, éventuellement, une hospitalisation en psychiatrie.

Violent.

Ca m'a amenée à essayer les exercices de pleine conscience, sans grand succès, et à réfléchir, sur la question de cette déconnexion.

J'ai éprouvé une grande colère/douleur face à cet échec, et à cette perspective. M'autoriser une dépression? Bien sûr. Je sais comment y parvenir. De toute façon, elle ne m'a jamais vraiment quittée, ma dépression. C'est juste que j'ai réussi à la canaliser, à la maîtriser, à force d'intellectualisation. Rien de plus simple pour moi que de la faire exploser. Et puis? C'était déjà arrivé, plusieurs fois et ça ne m'a jamais fait de bien. J'ai été HS pendant quelques mois, quelques années et puis progressivement, la raison a repris le dessus. Jusqu'à la prochaine explosion. Sur un cycle d'une dizaine d'années.

Alors pourquoi? 

Je n'ai pas pu creuser avec lui. Mais après ça, j'ai eu envie de picoler, à m'en rendre malade. J'avais envie de me faire mal. De me cogner les poings et le crâne contre les murs. Evidemment, je savais que c'était stupide. Alors je n'en ai rien fait. J'en ai parlé à mon autre psy, qui m'a bien sûr confirmé que ça ne fonctionnerait pas. Je lui ai répondu que je m'en foutais, que peut-être qu'avec ça, au moins, on le verrait, que je vais mal. Parce qu'il est frustrant, cet entre-deux, où on a l'impression que je vais bien,alors qu'en réalité, je ne suis pas capable d'assurer un boulot 35h par semaine. Dans le même ordre d'idée, l'envie de tatouage m'est revenue.

Le tatouage... Une blessure, une cicatrice, maîtrisée, colorée, esthétique, une douleur pleinement consentie et payée relativement cher.

Tout ça a mariné dans mon esprit, avec tout ce que j'ai pu voir, entendre, lire, sur les victimes d'agression.

Et puis c'est arrivé à ma conscience. Une pensée que je ne pouvais pas accepter. Pour des raisons morales et aussi pour des raisons purement psychologiques. D'autant que la transidentité, c'est toujours un sacré morceau à avaler. Mais voilà: tout est lié.

Dès le départ, j'avais des pensées, des envies, que je rejetais systématiquement, tout en leur donnant néanmoins une petite place, par moments. Parce qu'on ne peut les effacer. On ne peut que les repousser, les canaliser. Tout comme la transidentité. C'est assez commun chez les victimes, et sujet à une certaine honte.

L'envie de revivre l'agression.

Non pas parce qu'on y a éprouvé du plaisir, bien au contraire, mais, d'une certaine façon, pour rejouer le match, et peut-être, cette fois, le gagner. Et aussi parce que c'est la dernière fois que j'ai réellement éprouvé quelque chose. C'est à ce moment que je me suis dissociée. Me réapproprier mon corps, mes émotions, noyer ce souvenir pourri dans d'autres, maîtrisés, non traumatisants, peut-être même positifs.

Au lieu de s'épuiser à fuir contre le vent, se retourner et se laisser porter par le courant...

Quitte à réveiller des souvenirs dégueulasses. Sachant que c'est ce qu'a préconisé le psy: affronter, assumer, réveiller pour faire mon deuil. Là, est tout le problème. C'est évidemment la raison principale de ce déni. Dans mon esprit, ce serait comme me jeter dans les bras de mes agresseurs, leur donner "raison", me supprimer mon statut de victime en assumant aimer ça. 

Même si, en réalité, c'est exactement l'inverse.

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