ACAB, MEN ARE TRASH, transphobe, homophobe, embyphobe, sexiste, culture du viol, raciste, grossophobe, antisémite, validiste...
Depuis que je fréquente le "Twitter trans", je vois ces termes apparaître en permanence. Tous les jours. Des doigts pointés. Des dénonciations. Des insultes. Des menaces. Des punchlines assassines. La violence, tous les jours, toute la journée. Le camp du Bien contre le camp du Mal? Non. Parce que les dénonciateurs d'aujourd'hui, seront les dénoncés demain. On ne s'épargne pas entre "nous". "Nous"? Il n'y a pas vraiment de "nous". Ceux qui parlent de "lobby LGBT" sont tellement déconnectés de la réalité. Les L, les G, les B, les T et les autres composantes de cet acronyme sans voyelle, sans liant passent leur temps à se taper dessus. Et les T se tapent dessus entre elleux.
C'est terrifiant.
La plupart du temps, c'est justifié. Mais les mots me semblent inappropriés. Je déteste les généralisations, les caricatures, les raccourcis. En tant que personne transgenre, j'en suis bien trop victime pour m'y adonner moi-même. J'aime bien, j'ai toujours aimé la nuance. Même avant de sortir du déni de ma transidentité. Je déteste d'autant plus la violence, les insultes, les menaces, le mépris, même quand la personne en face est un sinistre abruti. Si j'entrevois une possibilité d'échange, je tâche d'argumenter, mais c'est rare. Sinon, je bloque. Si les bornes sont largement dépassées, je signale et dans les cas les plus extrêmes, je n'exclue pas de déposer plainte. La loi de la jungle, du plus fort, du plus violent, de celui qui a le plus d'amis, j'y suis totalement opposée. De toute façon, ce serait se rabaisser au niveau, voire plus bas encore, de l'agresseur.
Le problème, c'est qu'on vit dans une société effectivement merdique. Mais elle fait partie des meilleures au monde, et dans l'histoire de l'humanité. Oui, il y a un sacré boulot pour endiguer tous ces fléaux. Mais ce n'est clairement pas la bonne façon de s'y prendre.
Après tout ce temps à voir ces conflits, j'en suis arrivée à me dire que finalement tous ces maux sont d'une banalité sans nom. Et donc à me demander si c'est si grave que ça. Qui n'est pas problématique? Sûrement pas moi. "Que celui qui n'a jamais péché me jette la première pierre", comme dirait l'autre. On vit tous et toutes dans une société sexiste, transphobe, homophobe, raciste etc On baigne dans ce merdier depuis notre naissance et on en est forcément imprégnés. La dysphorie dont je souffre ne contient-elle pas une part de transphobie ou à tout le moins d'embyphobie? N'est-elle pas influencée par cette société problématique? Nous le sommes tous et toutes, à différents degrés.
Quand je parle, j'essaie de ne heurter personne, mais parfois, ça part tout seul. Par habitude. Par réflexe. Il m'arrive de me dire que Trump est complètement cinglé. Validisme. Il m'arrive, quand je vois un commentaire bien dégueulasse, d'avoir des insultes putophobes qui me viennent. Je ne parle même pas de ma transphobie intégrée: je me suis déjà longuement étalée, ici, sur le sujet. Je suis transgenre et transphobe, c'est un fait. Je me déteste, parce que cette société m'a appris à détester les gens comme moi et parce que je n'ai pas envie de me désintégrer de cette société de merde, l'une des meilleures que je connaisse. J'en ai besoin pour vivre, pour simplement exister.
Il faut chercher à améliorer les choses, c'est une évidence. Mais comment s'y prendre face à un chantier d'une ampleur aussi démesurée? Peut-être, déjà, en ayant l'humilité de reconnaître qu'en tant que produit de cette société, on est tous problématiques. Ce qui faciliterait un peu l'empathie, et donc le dialogue. Peut-être, aussi, proposer une sorte de contre-culture, qui existe déjà.
De mon point de vue, ce sont avant tout les créateurs, les artistes, ceux qui ont de l'influence et qui contribuent à forger nos esprits, qu'il faut toucher, plutôt que leur public. Ce sont ces films, romans, séries, documentaires, chansons qui façonnent les sociétés, en bien comme en mal. Les Nazis n'ont pas brûlé certains livres sans raison.
Et la religion, aussi, mais je disserte sur ce sujet... je vais heurter pas mal de monde...
Sinon, ma transition, avec cette foutue épidémie est évidemment à l'arrêt. Les hormones continuent à faire effet, mais c'est tout. Plus d'orthophoniste avant novembre, plus d'épilation laser avant... longtemps, plus de suivi psy, plus de chirurgie.... Je me dis que de toute façon, pour le moment, on n'a pas le droit de se sociabiliser donc c'est pas super important et j'ai l'esprit occupé à des considérations plus graves. La perspective de perdre un proche, par exemple. Cela dit, l'absence de suivi hormonal risque de poser souci. Il va falloir que je passe quelques coups de fil pour savoir comment m'y prendre. Puis-je faire une prise de sang? Consulter la toubib par téléphone?... J'espère que oui.
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