Nous baignons tous dans le sexisme et la transphobie (qui sont indissociables) depuis toujours, parce que c'est notre système de pensée. C'est notre socle de pensée: chaque individu doit entrer dans de trop petites cases, l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes, avec une supériorité fantasmée de l'homme sur la femme et donc une domination. C'est le sexisme. Tout ce qui ne rentre pas dans ces cases remet en question le sexisme, la domination masculine, et doit donc être réprimé, voire éliminé. C'est la transphobie/homophobie etc
Quand une femme a le malheur de sortir de la case qui lui a été attribuée, elle est moquée, agressée, tuée. Idem pour un homme, et ça peut même être pire. Le problème c'est que ces cases n'ont pas d'existence réelle. Les humains sont bien trop différents pour rentrer dans ces petites cases. Au niveau biologique comme au niveau psychologique. Il y a bien trop d'exceptions à la règle pour qu'elle soit valable. Il existe des hommes cisgenres petits, chétifs, émotifs, passifs, en quantité. Il existe des femmes cisgenres grandes, carrées, avec de gros caractères, des leaders, en quantité. Et il a toujours existé, partout, dans toutes les cultures des personnes transgenres, cisgenres et intersexes. Notre seule existence est une preuve flagrante que les différences entre hommes et femmes ne sont pas marquées, que le sexisme n'a absolument aucune raison d'exister, parce que ces cases sont une aberration. Une preuve trop flagrante qui explique pourquoi les femmes trans, en particulier, sont autant violentées, tuées, poussées au suicide.
On doit rentrer dans ces cases ou disparaître. C'est une question de survie pour les sexistes qui risquent de perdre leurs privilèges, leur sentiment de toute puissance. Et aussi leurs repères. Le paradoxe, c'est qu'ils présentent cet ordre des choses comme "naturel", alors que la nature est infiniment variée, nuancée, complexe. Même des jumeaux sont très différents. La nature passe son temps à briser les cases.
Les féministes ont mis des dizaines et des dizaines d'années à faire très laborieusement évoluer les mentalités. Et aujourd'hui, en 2020, alors que la presse et les tribunaux ont adopté un discours et des actes bien plus appropriés qu'il y a 50 ans, le sexisme perdure. Aujourd'hui, on doit être au cinquième féminicide de l'année. Les cases existent toujours dans nos esprits. Il est tellement systématisé que chacun d'entre nous est sexiste, à différents niveaux. Et transphobe. On peut être sexiste sans être violent, agressif. On peut être sexiste sans s'en rendre compte. On peut même être sexiste tout en se présentant sincèrement comme féministe, ou même en étant transgenre. Et on peut donc être transphobe tout en étant transgenre. Parce qu'on baigne dans ce sexisme, ce système de cases depuis toujours.
C'est la raison pour laquelle il est primordial, pour lutter contre le sexisme, de lutter contre la transphobie et de nous donner, à nous transgenres, de la visibilité.
Mais pour cela il faut non seulement parler de nous, mais il faut aussi en parler avec les bons termes et en maîtrisant le sujet. Ce qui implique de casser les codes, de penser hors des cases.
Cela implique d'expliquer la transidentité aux journalistes qui méconnaissent généralement le sujet, et... qui ont le tort de se caler sur le discours des concerné.es. Sauf que les concerné.es baignent aussi dans le sexisme et donc la transphobie depuis toujours et ne maitrisent pas tous.tes le sujet. Ca peut sembler paradoxal, mais les victimes de violences conjugales, comme les victimes de transphobie, si on les interroge sur les violences qu'elles ont subi tiennent très souvent un discours... sexiste, estiment que ce n'est pas si grave, qu'elles l'ont un peu cherché, que leur tortionnaire est avant tout une victime... Et même si on les interroge AVANT qu'elles subissent ces violences, elles risquent aussi de tenir ce même genre de discours, peut-être un peu atténué. Le profil parfait pour subir ces violences. Et avec ces violences, le phénomène d'emprise, elles s'imprègnent d'autant plus de sexisme.
Aujourd'hui, les journalistes le savent, ce qui fait qu'ils ont le devoir de prendre de la distance par rapport à ces discours, de les recontextualiser. Pour la transphobie, c'est exactement la même chose, à ceci près qu'ils n'ont pas les connaissances pour le faire. Si une personne transgenre leur dit que leur transidentité est un "handicap" (exemple réel, lu très récemment), ils reproduisent ces propos sans expliquer que le handicap, ce n'est pas la transidentité, mais la transphobie. Tout comme être Arabe, Juif, Asiatique, petit, grand, albinos, gay etc n'est pas un handicap. C'est le regard et l'attitude des autres qui peut rendre cette différence difficile à vivre.
Et justement, la façon dont nous sommes présentés dans les médias... détermine la façon dont nous serons regardés. Nous sommes donc dans un cercle vicieux.
Pour le briser, il faut leur parler la même langue qu'eux et leur souligner que la transphobie pousse la moitié d'entre nous au suicide. Et qu'il est donc vital, littéralement, de lutter contre la transphobie tout comme le sexisme. Qui sont de toute façon totalement indissociables.
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