Je viens de regarder cette vidéo, particulièrement intéressante et respectueuse. Néanmoins, y sont évoqués les deux statistiques qui me terrifient.
85% des personnes transgenres déclarent avoir été victimes au moins une fois d'agressions.
Au moins 50% des personnes transgenres... se suicident.
Le but de ma transition est de me sentir mieux. Or, dans ce contexte, j'ai beaucoup de mal à m'imaginer comment ce serait possible.
Pour le moment, je suis épargnée. Je n'ai pas à me plaindre. Mais c'est parce que je continue à cacher ma transidentité, qui se voit néanmoins de plus en plus. J'ai peur des toubibs. J'ai mal au dos, mais je m'imagine très mal consulter un kiné. J'ai peur dans la rue. J'ai peur de finir seule. Et ces chiffres confortent ces angoisses, qui me bouffent. Non, ces angoisses n'ont malheureusement rien d'irrationnel.
Mon psy me demande souvent si ma vie d'avant me convenait. Non. Dépressions, angoisses, échecs... Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça n'a jamais été ouf. Et le déni de ma transidentité, ma dysphorie de genre l'expliquent, en partie. Il y a aussi, j'en ai parlé, un héritage et des traumas. Mais j'ai appris à vivre avec tout ça. Je n'ai jamais tenté de me suicider, je n'ai jamais sombré dans l'alcool, la drogue, les conduites auto-destructrices... C'est pourri, mais gérable. Avec l'aide de quelques médocs.
Là, je me suis lancée dans quelque chose que je ne suis absolument pas sûre de pouvoir gérer. Et sans véritable garantie d'en tirer un bénéfice.
Pour le moment, oui, mon apparence me plaît bien plus qu'auparavant, sauf qu'elle m'angoisse. Avant, je pouvais sortir sans crainte, même en plein été, mettre un t-shirt, un bermuda, sans aucun problème. Ce n'est plus DU TOUT le cas. Je me sens en permanence obligée de cacher ma poitrine, mes jambes et j'en viens même à me demander si je ne devrais pas sérieusement raccourcir mes cheveux.
Et ce, principalement à cause de ces chiffres.
Quelles sont mes options?
- Détransitionner? La perspective me déprime. Une fois sortie du déni, on ne peut plus y retourner. Ca me condamnerait à vivre dans la frustration, sans doute l'aigreur. Mais socialement, je n'aurais plus toutes ces angoisses.
- Accélérer la transition et faire en sorte que je me retrouve avec un "passing parfait" aussi vite que possible? C'était un peu le plan, à la base. Sauf que rien ne garantit qu'il fonctionnera et surtout... ça va prendre en réalité énormément de temps, parce qu'il y a des délais très longs pour beaucoup d'opérations.
- Rester telle que je suis? Je cumule à la fois les avantages... et les inconvénients. Comme je viens de l'écrire, c'est pas très confortable, parce que c'est très angoissant, cet entre deux. D'un autre côté, je me dis que je vais peut-être réussir à m'habituer, à force.
- Continuer à avancer, tout en exprimant des caractères masculins? C'est l'option qui me séduit le plus, finalement. L'option "garçon manqué", "butch"... Ca me permettrait de ne pas contrarier le conditionnement que j'ai reçu, de répondre "je suis un mec" si on m'interroge sur mon apparence... jusqu'à ce qu'on me réplique, peut-être, un jour: "N'importe quoi, ça se voit que t'es une meuf!". Et là...
Ce qui implique, jusque-là, de peut-être revoir la longueur de mes cheveux, ma boucle d'oreille, de continuer à planquer ma poitrine et mes jambes... Ce qui implique, aussi, de devoir faire face à un certain scepticisme de la part des toubibs que je pourrai rencontrer dans le cadre de ma transition, qui peuvent, assez logiquement, s'interroger sur la pertinence de celle-ci (ce qui a déjà été le cas) si j'exprime des stéréotypes masculins contraires à ce que je leur demande.
Ce qui implique, surtout, de me débarrasser très vite de cette foutue pomme d'Adam qui reste le marqueur masculin le plus visible, avec ma pilosité faciale qui demeure malgré douze séances de torture d'épilation au laser. Très atténuée, certes, mais pas suffisamment pour que ça empêche de me percevoir comme un mec. Sauf que pour la première, je n'ai toujours aucune nouvelle.
Cet article illustre parfaitement pourquoi je suis restée dans le déni aussi longtemps. J'hésite à dire qu'il me manque... Tout était tellement plus simple.
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