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Addiction aux écrans et paradis artificiel 2.0

J'ai mal aux yeux depuis plusieurs semaines. Il y a la fatigue, bien sûr. Beaucoup de stress, d'angoisses, cette année, surtout cet été. Et puis mon cerveau mouline à plein régime, comme ce blog en est le reflet. J'ai vite progressé. Trop, peut-être.

Mais il y a aussi l'écran de mon téléphone, qui ne doit pas me faire du bien.

J'avais déjà compris qu'il s'agit d'un processus d'évitement. Une façon de fuir la réalité. De fuir le stress post-traumatique, de fuir une vie qu'il a rendue médiocre, ennuyeuse.

Cette nuit, mon cerveau qui continue visiblement à mouliner, m'a sorti une autre raison: sur mon téléphone, je suis Laure, je suis moi-même, je suis une femme. 

Illumination. Bien sûr, dans la vie réelle, je continue à être l'autre, même chez moi. J'ai toujours la vision de ce corps que je déteste, ma transphobie intégrée que je projette sur les gens que je croise, sur mes voisins, ceux qui pourraient venir sonner à ma porte à tout moment. Tous ces gens qui m'appellent toujours par mon prénom officiel, mon genre officiel, cette armure, tellement lourde, que je continue à porter parce que malgré tout je m'y sens protégée.

Une vie aussi réelle que déprimante et angoissante.

Alors forcément, à longueur de journée, je pose mes yeux sur cet univers alternatif, où je ne suis pas obligée d'exposer mon visage, ma pomme d'Adam, ma voix rauque, où on m'appelle par le prénom que j'ai choisi, où on me voit telle que je veux qu'on me voie. Avec la possibilité, par une simple manipulation, de faire disparaître les malveillants, les lourds, les pervers, les fétichistes, les transphobes... Ce n'est pas le paradis, mais en comparaison avec la réalité, c'est ce qui s'en rapproche le plus. Un paradis artificiel 2.0.

Sur ce constat, j'ai pris un peu de recul, élargi un peu la recherche.

Depuis trois semaines, je vis ma meilleure vie sur le jeu Just Dance 2018. C'est évidemment une façon de me réapproprier mon corps en même temps que je suis en train de me réapproprier mes émotions. Mais c'est aussi une façon de me "réincarner", momentanément. Avec ce jeu, je suis Shakira, Britney Spears, Katy Perry, Avril Lavigne... Forcément que ça m'éclate! Une idée de génie d'avoir acheté ce jeu! Parce que là, pour le coup, je ne vis pas simplement, passivement, une réalité alternative, je fais coïncider les deux réalités, je les fais fusionner. Et le tout en travaillant ma gestuelle, ma souplesse, mes muscles, mon souffle, mon coeur... Ce qui doit aussi soulager un peu mon cerveau besogneux.

Bien avant ça, alors que j'étais toujours dans le déni, il y avait un autre jeu, classé X, sur Androïd, dont je tairai le nom parce que je pense que niveau sécurité informatique, ça doit vraiment pas être terrible (vous ne le trouverez pas sur Google play). On pouvait s'y créer un avatar, très réaliste et ultra sexy, avec un grand choix de personnalisations et... faire des cochonneries avec d'autres utilisateurs, des deux genres (oui, on est sur du binaire, évidemment). Bien sûr, j'y étais une femme et j'y ai passé un sacré paquet d'heures... (On ne juge pas, merci!)

Si on remonte vraiment très loin... il y avait Street Fighter. On est dans les années 90 et oui, bien sûr, la plupart du temps, je prenais Shun Li. Tout comme par la suite, je préférais toujours prendre les personnages féminins dans les jeux de combats. Avec comme excuse qu'ils sont plus rapides, plus maniables... Heum heum!

Sans oublier les films X dont j'ai déjà parlé et je vais pas m'étaler parce que bon, hein? Mais voilà, des caricatures de femmes ultra-sexualisées, c'est tout l'inverse de ce que je suis dans la réalité: une caricature d'homme hyper mal à l'aise avec son corps et sa sexualité.

Il va donc falloir que les deux réalités fusionnent. Impérativement. Just Dance est une bonne solution, en attendant, mais... je crains que seule la transition et en particulier la chirurgie du visage ne soit à même d'y parvenir. Sinon ce besoin de me réfugier dans le virtuel va perdurer, avec tous les inconvénients que ça implique.

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