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"Je ne peux me prononcer sur l'existence de votre dysphorie de genre"

Prononcé par un psychologue spécialisé en transidentité, c'est assez violent, quand on a commencé sa transition hormonale il y a près d'un an; sans compter l'épilation laser.
C'était hier. J'appréhendais ce rendez-vous à un point assez inimaginable. Parce que je savais qu'un jour, au cours de ma transition, il y aurait ce moment où j'exploserais en vol, où une insondable réserve de souffrance mal contenue (mais contenue quand même) dans mon cerveau finirait par exploser et déverser toute cette douleur. Je le sentais. Les fissures craquaient. L'édifice bougeait. Il ne manquait qu'un déclencheur.

Narrer cet événement de deux heures nécessite bien plus qu'un post. D'autant que ses conséquences vont se poursuivre pendant des semaines, des mois, peut-être des années.

Comment en est-on arrivé à cette phrase si pénible?
Il a fallu que je raconte mon histoire, un bref résumé de ce que j'ai pu évoquer sur ce blog. Le psychologue a tilté sur la partie "agression sexuelle". "Jusqu'à ce que je dépose plainte, je considérais que céder à ma transidentité, ce serait céder à mon agresseur, le laisser gagner, parce que pour moi les deux étaient associés". C'est cette phrase qui l'a fait tiquer.
Parce que dans son esprit de psychologue, agression sexuelle dans l'enfance = traumatisme = mémoire traumatique = dissociation traumatique. En gros, cela signifie qu'il y a une toute petite partie de ma mémoire qui fout un sacré bordel depuis un sacré paquet d'années dans mon fonctionnement psychologique. Et qui m'empêche d'être moi-même. Depuis cette agression, je ne suis qu'un zombie qui se compose une personnalité en s'adaptant à son entourage et en l'imitant, incapable de lier ses émotions avec ses raisons.
Pire: le stress ressenti lors de l'agression peut resurgir dans des situations qui peuvent sembler ordinaires, mais dont un détail, une odeur, un regard, une sensation fait écho avec l'agression. Pire encore: ma personnalité peut se mêler avec celle de mon agresseur. Son agressivité, sa perversion, ses propos ou attitudes peuvent se confondre avec ma personnalité.

A partir de là, évidemment, comment savoir si ma dysphorie de genre n'est pas en réalité une émanation de ma mémoire traumatique? D'autant que j'avais déjà pensé à cette possibilité.

Le message, c'est que entamer une transition, sans savoir réellement qui on est, c'est un peu stupide. Parce que la dissociation traumatique, on peut en guérir et ainsi transformer la mémoire traumatique en mémoire autobiographique. Ce qui prend plus ou moins de temps. Et ce qui aboutit à devenir réellement soi-même. C'est la bonne nouvelle.

Aujourd'hui 26 mars 2019, je ne cesse de répéter "je ne sais pas; je ne sais plus". Parce qu'il y a des éléments en lien avec ma transidentité qui doivent effectivement découler de ma mémoire traumatique. Mais malgré quelques progrès notables dans la réappropriation de cette mémoire, je ne me vois toujours pas faire marche arrière dans ma transition. Au contraire, j'ai le sentiment que ma féminité s'est renforcée depuis hier.

Les semaines qui viennent vont être déterminantes.

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