C'est sans doute la transition la plus indolore, et pourtant elle me pose problème. Une séance d'orthophoniste toutes les semaines, pendant un an. Il va falloir que je trouve le praticien qui va bien. Mais ce n'est pas ça qui coince.
La voix va de pair avec la personnalité. J'ai depuis ma puberté décrit ma voix comme celle d'un "mec dépressif". Grave, monotone, difficilement audible. Je l'ai toujours abhorrée. Est-ce la voix qui construit la personnalité ou la personnalité qui construit la voix? Sans doute un peu des deux.
Voilà pourquoi moduler sa voix est hautement symbolique. Cela n'a rien d'anodin. On peut transformer son corps, et laisser sa psychologie, sa personnalité à peu près intactes. Mais la voix...
Il est possible que je me trompe, mais j'ai le sentiment que la moduler reviendra à moduler ma personnalité. Et donc à faire ressortir cette femme que je continue à séquestrer, parce qu'elle me fait peur. Depuis le début de ma transition, il y a un moment qui m'angoisse plus que tout autre. C'est ce moment où je vais "switcher" de il à elle. Je me rassure en me disant que ce sera progressif. Mais... il faudra bien que je sorte du placard un jour. Le fameux coming out, mais cette fois plus au compte gouttes. Le coming out général.
Je m'imagine toujours un torrent de larmes, à ce moment. Toutes ces larmes que je retiens depuis tant d'années parce que je n'ai d'autre choix que d'être fort. Oui au masculin. Parce que c'est le rôle qu'on m'a donné, parce que des gens comptent sur moi et sur ma force, attachée à ma personnalité actuelle. Même mon boulot me demande de la force. En permanence, je dois refouler mes émotions, composer mon rôle.
C'est justement pour ça que je dois faire cette transition. Mais oui, l'orthophoniste me fout la trouille, parce que ça risque d'être la vraie transition, pour moi. De faire ressortir des choses, dans la douleur, et de tuer ce mec à qui je suis malgré tout attachée.
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