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Je n'ai pas participé à la marche des fiertés

Attention article polémique, je vous aurai prévenus.

Ce week-end, à Lille, se tenait la "marche des fiertés", la "pride". J'ai hésité une demi-seconde à y participer. Pas plus.
D'abord, pour des raisons personnelles assez évidentes pour ceux qui ont lu mes précédents articles. Passer de "honte totale" à "fierté", c'est un gouffre que je ne suis pas prête à franchir. Je continue à jouer mon rôle de "mec", tout en laissant derrière moi des indices, histoire de préparer mon environnement social en douceur. Et aussi, surtout, pour ME préparer en douceur.
Même auprès de ceux qui sont au courant, je ne parle pas de moi au féminin, sauf à quelques rares personnes, mais uniquement à l'écrit. Pour une raison fort simple: le féminin ne colle pas à mon apparence. Ce serait comme porter un vêtement qui ne m'irait pas. Une robe, par exemple. Je me sentirais extrêmement mal à l'aise. Comme déguisée, mais en dehors de tout carnaval.

On pourrait m'objecter que justement, c'était le moment où jamais, de me balader dans les rues dans des vêtements qui me plaisent, à défaut de m'aller. Oui... mais non. L'exhibition n'a jamais été mon truc, déjà. Et puis...

Et puis en voyant les images de cette marche, sur France 3, je n'ai pas pu m'empêcher de me dire que c'est en partie à cause de ce type d'événements que je suis restée dans le déni aussi longtemps.

De la musique, techno, déjà. Chacun ses goûts, bien évidemment, mais dans mon esprit, la techno est associée aux boîtes de nuit, à la jeunesse, à la danse, mais aussi aux drogues synthétiques, au sexe sans amour. Donc je ne m'y retrouve pas. Ce n'est pas mon univers, et ça ne l'a jamais été.
Mais surtout, il y a ces gens, qui focalisent l'attention, habillés simplement avec des sortes de cache-sexes, des tenues SM, des masques.
Ok, le concept, c'est justement de faire comprendre aux bigots, aux fascistes, qu'on les emmerde, qu'on a le droit d'exister et de se balader comme on le veut. Je pense avoir bien compris. Seulement, l'attention des spectateurs, moi compris, moi aujourd'hui comme moi ado, se focalise sur eux, parce qu'ils sortent du rang, parce qu'ils sont habillés pour attirer l'attention, pour choquer.
Et malheureusement, ça marche. Malheureusement, parce qu'en les voyant, je refuse de m'identifier à eux, et je refuse d'être associés à eux. Il ne s'agit évidemment pas de les clouer au pilori, de les interdire ou de les cacher, ces gens. Ils font bien ce qu'ils veulent et par principe je défend toujours cette liberté.
Néanmoins, je ne peux m'empêcher de me demander s'il s'agit bien là de la meilleure façon de militer pour nos droits et pour cette liberté. Ca peut sembler paradoxal, mais il me semble qu'ils donnent une image faussée de ce que nous sommes, et c'est cette image qui marque, cette image qu'on retient.

Pourquoi ai-je si longtemps rejeté ma véritable identité? Parce qu'il y a cette foutue agression, bien sûr, parce que j'ai été élevée par ma grand-mère catholique que j'ai très longtemps idéalisée et même déifiée, sans aucun doute. Et aussi parce que je ne me reconnaissais pas en Priscilla, folle du désert, en "shemale" dans les pornos, en tous ces personnages exhibés par notre culture, toujours négatifs. Et aussi, en ces gens qui portent des tenues excentriques pour danser sur de la techno. Dans mon jeune esprit, tout ça était intimement lié et il était donc hors de question que je sois trans.
Aujourd'hui, j'ai plus de recul, mais ce rejet existe toujours. Je ne me vois pas reprocher à une mère de famille de cacher les yeux de ses enfants ou de changer de chaîne face à un tel spectacle. Je ne me vois pas contredire quelqu'un qui m'avancerait que c'est ridicule ou indécent. Je pense que je hausserais les épaules, sans rien dire, si ça arrivait. Coincée entre mes principes qui veulent que je les défende, et mon ressenti.

Heureusement, il y a des gens comme Chelsea Manning, qui ont fait évoluer ma vision et qui font à mon avis bien plus évoluer le regard de la société que ces "prides". Et aussi que certaines associations qui ne laissent pas passer le moindre écart de langage, y compris chez ceux qui pourtant défendent la même cause. 
Mais ça, c'est un autre sujet.

Sinon côté personnel, ça fait pas loin de sept semaines que mes hormones sont féminines. Physiquement, je vois et je sens des changements, mais autour de moi on se focalise uniquement sur ma tignasse. La poitrine, les fesses et les cils sont totalement occultés par cette masse, informe, de cheveux. Je me demande combien de temps ça va durer...
Il faut savoir aussi que la progestérone, c'est du brutal. Dans les premiers jours, je me sentais après chaque prise comme Marc Renton dans Trainspotting sur la musique de Lou Reed, Perfect day. Au point que j'ai dû me remettre au café, que j'avais abandonné parce que ça me filait des palpitations. Là, il semblerait que je commence à m'habituer. Tout doucement.
Niveau psychologique, ça commence à aller mieux. Je prends les problèmes quand ils se présentent et comme ils se présentent. J'ai une vision de ma transformation, de moi-même et de mon entourage qui me semble plus juste, plus claire que dans ces phases de paranoïa que j'ai pu traverser. Et je suis donc un peu moins égocentrée, aussi.
Donc, jusqu'ici, tout va bien.

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