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Paranoïa et puberté

Toujours pas d'article sur le choix du prénom. Les choses continuent à bouger dans ma tête. Tout s'entremêle...

J'ai compris il y a peu que je ne souffre pas d'une simple phobie sociale, mais clairement de paranoïa. Pas une forme aiguë, pas une psychose. Je ne vois pas des "ennemis" partout, encore moins des complots, loin de là. Mais je projette tout de même ma vision très négative de moi-même sur les autres. Si je ne m'accepte pas, comment les autres pourraient-ils m'accepter?
Au vu de mon histoire, c'est assez logique, d'autant plus en cette période particulièrement troublée, et d'autant plus avec le métier que j'exerce, qui m'amène à me confronter quasiment au quotidien à ce que la société fait de pire.
Quand je vois un article qui traite de transidentité sur Facebook ou Twitter, je me focalise sur les commentaires négatifs, et j'oublie tous les autres. C'est absurde de donner autant d'importance aux abrutis et... c'est vexant de penser que mes proches pourraient se ranger dans cette catégorie. Vexant pour eux.

Mais c'est aussi lié à ma trouille. C'est elle qui m'amène à me focaliser sur ce qui pourrait me faire renoncer à ma transition. Tout est imbriqué...

En réaction, j'ai pris rendez-vous avec C, une femme qui est passée par là, et qui fait partie du collectif qui m'accompagne. Je dois la voir le 4 avril, et je pense que les choses vont encore bouger ce jour-là. Et sérieusement.

Parce qu'au cours d'une nouvelle nuit blanche, je me suis projetée à ce rendez-vous. La voir, en vrai, et pas simplement dans le reportage auquel elle a participé récemment, devrait être un choc. Je vais "réaliser". Voir avec mes yeux, sans filtre, sans distance, une femme née dans un corps d'homme. Une femme qui n'est pas moi, qui a sa propre histoire, son propre physique, sa propre personnalité, mais qui a traversé et qui traverse ce que je m'apprête à traverser. Et ce que je traverse déjà.

Et puis, je me suis rendu compte d'un détail. Hormis en virtuel, personne n'a jamais vraiment parlé de moi au féminin. Personne ne m'a jamais vraiment considéré comme une femme au-delà d'Internet ou à la rigueur par téléphone.
Et c'est clairement une volonté de ma part.
J'y ai réfléchi, à cette volonté. Je me suis demandé pourquoi ce bloquage, pourquoi cette barrière. Et j'ai très vite compris, là aussi en me projetant: parce que derrière cette barrière, derrière cette digue, il y a un maelström d'émotions.
Le jour où cette digue va péter (ou s'ouvrir), ça va se déverser violemment. 25 années (à peu près) à les contenir, à faire semblant, 25 années de frustration, de honte, de culpabilité, d'angoisse, de mal-être, libérées, d'un coup.
Je pense qu'une personne "cis" s'en foutrait qu'on parle d'elle avec un autre genre que celui qu'on lui a assigné à la naissance. Au plus, ça la vexerait. Ou elle ne comprendrait pas. Mais pas moi.
Moi, quand le docteur que je vois régulièrement ou quand C me demande si je me suis choisi un prénom (on y revient...), je botte en touche. "Euh, j'en suis pas encore là". Ce qui n'est pas tout à fait faux, mais ce qui n'est pas tout à fait vrai non plus. Je sais qu'au fond de moi, c'est une façon de rejeter aussi loin que possible ce moment où je vais sans doute fondre en larmes. Et changer. Fondamentalement.
J'ai la trouille, aussi, de ce moment, décisif, libérateur, terrible, plus encore, peut-être, que d'entamer ma transition physique. C'est peut-être pour ça, aussi, que je n'ai toujours pas écrit cet article sur le choix du prénom.
Parce que le physique, c'est à la fois superficiel et primordial, mais le prénom, l'identité, c'est autrement plus profond.
C'est comme la puberté, en beaucoup plus intense, parce qu'on n'est pas dans un prolongement accéléré, mais dans un virage, en accéléré, à 180 degrés.

Mais je pense que je DOIS passer par là. Je pense que cette digue doit disparaître, parce que si elle disparaît, je pourrai être vraiment moi-même et évacuer toute cette tension, toute cette souffrance, même si ça risque d'être violent. Et je ne vois pas d'autre manière de le faire...

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