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Coup de doute

Finalement, je parlerai des prénoms une prochaine fois.

Ce mercredi, j'ai eu un doute. Qui subsiste encore un peu aujourd'hui. Malgré mon épuisement, j'ai passé une excellente journée au boulot. A côté de moi, il y avait une consoeur. Très belle. Très intelligente. Pleine de charme. On avait déjà pris l'habitude de discuter, de tout, de rien, de se marrer ensemble.
Mais là, je sais pas, j'ai senti une réelle complicité entre nous. C'était même assez gênant, parce qu'on était dans un tribunal quand même. Avec en face de nous des gens en souffrance. C'est un peu le dernier endroit pour faire naître une complicité. Et surtout pour se marrer comme des adolescents pendant des heures.
Moi, encore, ça va, j'ai l'habitude. Avec l'expérience et ma dissociation traumatique, je suis capable d'intérioriser mes fou rires en conservant ma poker face. Mais pas elle.
Quel rapport avec mon doute sur ma transidentité?
Hé bien, tout simplement, je me suis dit, après l'avoir vue partir, que ça faisait des années que ça ne m'était pas arrivé, de faire rire, comme ça, une aussi plaisante jeune femme. Et ça a réveillé des souvenirs particulièrement agréables et... forcément liés à mon identité biologique. Alors, je me suis dit "Merde! Est-ce que je vais pas foutre tout ça en l'air en changeant mon corps?"

Oui, c'est stupide. Mais symptomatique de mon conflit intérieur.

J'ai fini par prendre du recul. Et je me suis rendu compte que ces derniers temps, malgré mon épuisement, malgré mes angoisses, malgré ma féminisation qui ne se voit pas à l'oeil nu, des gens se sont rapprochés de moi. Des femmes, toujours. Et je me dis que c'est peut-être pas "malgré" ma féminisation, mais "grâce" à ma féminisation, et à mon épuisement, et à mon angoisse.
Je me revois encore au lycée et à la fac, entourée quasi uniquement de filles... qui n'imaginaient pas une seconde qu'il pourrait y avoir autre chose que de l'amitié entre nous. Pour elles, c'était évident, j'étais une copine. J'étais pas un mec. Ca ne leur est même pas venu à l'idée que je pouvais avoir un service trois pièces, du désir pour elles... 
Aujourd'hui, je suscite de la compassion, à cause de mon état. Je le sais. Je titille leur instinct maternel. Mais pas seulement. J'ai l'impression que plus ou moins consciemment, elles doivent sentir que je suis "comme elles". Ce qui amène à des rapprochements. Elles se sentent en confiance.

J'ai la trouille, comme je le disais dans le précédent article, et cette trouille m'amène à chercher des raisons de ne pas entamer ma transition, de faire machine arrière toute. C'est désagréable, mais c'est une très bonne chose. Parce qu'avant de commencer à prendre des hormones, je pense qu'il est nécessaire d'en passer par là. De se focaliser sur toutes les raisons qui pourraient nous faire renoncer. Au moins, le jour J, j'aurai vraiment étudié la question sous tous les angles et je pourrai décider sereinement, en pleine connaissance de cause.
Je pense que la trouille et ces doutes font partie du processus, qu'ils sont légitimes, parfaitement sains et bénéfiques.

Même sans hormones, j'ai l'impression d'être en pleine puberté. C'est assez étrange. Je suis paumée, angoissée, je ne sais jamais quoi porter, comment me comporter, mal dans ma peau, excitée. Et je change. Pas physiquement, mais psychologiquement. C'est assez difficile à définir, mais c'est perceptible. Dans mes habitudes, que je casse progressivement, pour en instaurer de nouvelles, dans ma façon de penser, de percevoir les choses, de réagir.
Il y a encore du boulot, mais je sens que les choses se mettent en place, petit à petit, pas à pas. Même ici, mes articles sont beaucoup moins sombres, j'ai l'impression, plus légers, comme mon style.
A suivre.

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