Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en ce moment, je les enchaîne. Au point de sécher le boulot trop régulièrement à mon goût. Mais malgré l'épuisement et la situation, et malgré ce que je peux écrire ici, le moral reste bon. Si, si.
Il y a deux nuits, j'ai profité d'une de ces insomnies pour prendre du recul. J'ai identifié ce qui m'angoisse et tâché de trouver des solutions.
Concernant le volet judiciaire, une amie m'avait conseillé de ne pas écouter mon psy et de démarrer ma transition physique (assez) rapidement, arguant que rester ainsi bloquée me fait souffrir et que ça donnait bien trop d'importance à cette affaire. Elle a raison. D'autant que... j'ai dit ce que j'avais à dire. La confrontation et l'expertise sont derrière moi, je ne devrais plus être interrogée, hormis peut-être pour quelques précisions. Donc, reste à attendre. Si c'est classé sans suite, je serais déçue mais au moins je serais allée au bout et je serais débarrassée de ce fardeau. La responsabilité serait du côté de la justice, qui aura fait au mieux.
Quant à l'éventuel procès, j'ai pris la décision de ne pas y assister. Si procès il y a, je serai représentée par un avocat, mais ma présence n'est pas obligatoire. J'ai déjà assez donné de ma personne. En général, c'est mieux que la victime soit là, pour répondre aux questions, mais en même temps, si j'y vais et que mes nerfs lâchent, que je pars en vrille ou que ça me pourrit la tête encore plus, autant éviter.
Donc, de ce côté, plus aucune raison de stresser. Le boulot est fait, maintenant c'est à la justice de jouer son rôle. Au pire, ce sera classé sans suite mais elle gardera ma plainte dans ses fichiers, ce qui était l'objectif principal. Au mieux, il y aura condamnation et indemnités, ce qui serait donc du (gros) bonus. Et... non, il n'y a pas de malus. Quoi qu'il arrive, c'est tout bénef.
La deuxième source d'angoisse, c'est le regard des autres, la trouille de me faire griller.
Logique: j'ai passé 25 ans à penser que j'étais cinglée, à me cacher du mieux que je pouvais, à avoir honte de ce que je suis... alors comment imaginer que l'autre pourrait me voir autrement?
Hé bien simplement en se mettant à sa place. Si j'étais un inconnu, une connaissance, un collègue, un ami, une soeur, un parent confronté à... moi, comment est-ce que je réagirais?
Je n'ai pas eu besoin de réfléchir longtemps. Au pire, avec indifférence, au mieux avec bienveillance. Et peut-être même avec une certaine admiration.
Le tout étant d'y aller progressivement. Parce que oui, si je vois une petite culotte rose dépasser du pantalon d'un mec, là il est possible que je me moque (enfin, c'est ce que j'aurais peut-être fait il y a un an de ça, plus aujourd'hui, évidemment). Donc autant éviter ce genre de situation. Pas question de faire n'importe quoi. Ok, j'aime les fringues féminines, mais pour les personnes qui ne sont pas au courant de ce que je suis intérieurement, vaut mieux les ménager, avec un look androgyne. Pour les autres situations, je me lâche.
Parce que finalement, mon psychologue a raison. Sur ce point et partiellement. Crier à la planète entière que je suis une femme n'est pas une bonne idée. Parce que la planète entière s'en fout, ou ne veut pas savoir, hormis quelques rares exceptions. Leur balancer ça, par un coming out brutal ou une tenue qui n'est pas associée à mes attributs masculins, c'est une mauvaise idée. C'est violent pour eux, et c'est violent aussi pour moi.
Je n'ai besoin d'en parler qu'à des gens qui connaissent le sujet, et aussi quelques intimes, bienveillants, histoire de vider mon sac, de ne pas être totalement seule. Les autres le découvriront progressivement, s'ils le veulent. Ils se poseront des questions. Ils trouveront eux-même des réponses. Ils me poseront éventuellement des questions si jamais ça les taraude un peu trop. Et j'y répondrai. Ou je botterai en touche. Suivant les cas et mon ressenti.
En résumé, je ne fous la pression à personne et du coup je ne me la fous pas à moi-même. Je fais ma transition tranquillement, en douceur, step by step. Je continue à jouer le rôle social qu'on attend de moi, je me retourne quand j'entends "monsieur" ou le prénom inscrit sur ma carte d'identité. Je continue à féminiser mon apparence, mes vêtements, mes cheveux... Je continue à m'habituer progressivement à mon vrai moi, à le découvrir, à lui laisser petit à petit la place qu'il mérite. Et en même temps je laisse aussi les autres s'y habituer.
De toute façon, la transition physique prend environ deux ans, m'a-t-on dit. Au delà de ce délai, les hormones ne modifient plus l'apparence. Deux ans, c'est très bien, dans le fond, pour s'accoutumer et laisser le temps à mon univers de s'y faire.
Jusque là, je fantasmais d'une baguette magique qui me transformerait en femme sans passer par toute cette période. Je me rends compte que c'était un fantasme à la con. Si demain, je me réveillais dans le corps d'une femme, je me retrouverais dans une belle mouise, et je pense même qu'indépendamment du contexte extérieur, je ne le vivrais pas forcément bien.
Donc voilà, les nuits blanches ont une utilité, malgré la souffrance qu'elles engendrent. Il suffit d'apprendre à en tirer parti et de les voir comme un appel de notre être à faire le point et à résoudre des conflits internes.
On dirait que j'ai déjà pas mal recollé avec mes émotions, non?
Ha oui, et j'ai un pote qui m'a suggéré de vapoter du CDB pour m'aider à dormir. Et je pense qu'il a grave raison. Ca mérite au moins d'être tenté. Donc lundi, si je peux, go à la boutique de cigarettes électroniques pour essayer ça.
Ca en fait du monde bienveillant, intelligent, raisonnable et de bon conseil autour de moi, quand même...
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