J'ai revu mon "spécialiste", pour la troisième fois, et il a lancé la procédure d'affection longue durée. Au moins, c'est fait. Il m'a également donné la prescription pour la prise de sang qui dira s'il est risqué ou pas pour moi de prendre des hormones. Et la liste des prestations prises en charge par la Sécu. Ce n'est pas pour tout de suite. D'abord, il faut que la procédure judiciaire soit terminée.
Et puis on a parlé du "dead name", quelques secondes, mais je suis un peu restée bloquée sur ce concept. Le "nom mort". On aurait pu utiliser un autre terme. "Caduc", "obsolète", "ancien". Mais non: "mort". Et je trouve ça assez juste, après réflexion.
Parce qu'entamer une transition, c'est commettre un suicide. Ni plus, ni moins. Il s'agit de tuer celui que j'ai été pendant 25 ans. Ce n'est pas seulement mon corps qui va changer. C'est mon identité actuelle qui va s'éteindre. C'est mon histoire. 25 ans qui passent aux oubliettes. Et dont il faudra faire le deuil. Pour moi, bien sûr, mais aussi pour mes proches, pour mon entourage.
Fini. On n'en parle plus. Surtout plus.
Ce qui m'a amené à la scruter, cette vie que je m'apprête à flinguer à coups d'hormones et de bistouri. Ces 25 années de merde. Depuis la puberté, il y a eu quelques bons moments. Mais il y a surtout eu une douzaine d'années de dépression sévère. 18 ans d'épuisement continuel. 25 ans de morosité que j'ai fini par transformer en cynisme. Des échecs sentimentaux cuisants et à répétition. Une solitude à la fois terrible et reposante. J'ai passé mon temps à me battre contre moi-même, à me cacher, à avoir honte.
25 années à repousser l'idée de me foutre en l'air.
Et aujourd'hui, on m'offre la possibilité d'un suicide, mais avec renaissance, en mieux. Façon Phénix.
Alors j'en suis venue à me demander pourquoi j'avais repoussé l'idée de me foutre en l'air, qu'est-ce qui m'a fait persister, jour après jour, à accepter cette vie de ténèbres.
L'amour et la haine.
L'amour pour ma soeur, ma mère, mon père, mes amis. Je n'ai aucune envie de leur infliger un deuil. J'ai toujours considéré qu'il valait mieux un frère, un fils, un ami handicapé, dépressif plutôt que mort, surtout de sa propre main.
La haine pour toutes les ordures qui m'ont mise dans cet état. Ca a toujours été mon moteur, pour me battre, pour m'extirper de mon lit chaque jour, pour encaisser ma dysphorie et ma dissociation traumatique. Hors de question que je les laisse gagner, que je les laisse m'anéantir corps et âme.
Le hic, c'est qu'aujourd'hui, ce sont ces mêmes raisons qui me font hésiter à me tirer une balle dans les parties. Ce qui est assez logique.
Cela dit, il est assez simple d'y remédier. Il "suffit" de le faire accepter à mes proches, en leur expliquant comme je viens de le faire. Et mes deux plaintes rééquilibrent déjà les choses pour les ordures. Me transcender finira le conflit.
Je sais que mourir et renaître n'arrangera pas tout. La dissociation traumatique, c'est un autre boulot, mais mon psy dit qu'on peut arranger les choses. Et si cette métamorphose empire encore les choses... Disons que j'aviserai. Mais ça me semble compliqué.
En attendant il me reste quelques mois pour réfléchir, et en parler.
Un autre ami a été mis au courant. Il a pleuré, d'émotion. Il a la larme facile. Mais il a eu une réaction très positive. En soulignant mon courage. Il en a parlé à sa compagne, plus surprise que lui, mais qui trouve ça cool d'avoir une copine en plus. Maintenant il m'appelle "pétasse" ou "biatch". Et bizarrement, j'adore ça.
J'avance, quoi.
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