(Écrit le 22/09/17)
[MàJ du 2 avril 2023: Je me rends compte, en me relisant aujourd'hui, qu'au moment où je commençais à m'interroger de façon sérieuse sur ma transidentité, mon discours était clairement celui d'une terf, d'une "femelliste". Parce que, comme beaucoup d'entre nous, je n'étais pas du tout informée sur le sujet et je n'avais pas les outils pour me comprendre moi-même. Et j'en viens donc à me dire que ces discours terf doivent être terriblement efficaces sur les nombreuses personnes transgenres qui sont passées par cette même phase. Par "terriblement efficaces", j'entends pour nous pousser à nous détester voire à des extrémités plus définitives.
Aujourd'hui, j'ai compris que le corps n'est qu'un paramètre parmi d'autres pour définir où on se trouve sur le spectre masculin-féminin. À l'époque, je pensais encore de façon binaire, alors que les réalités biologiques et sociales sont nuancées. Il existe des milliards de façons d'être un homme, une femme, non-binaire.
Chercher une logique à la transidentité est aussi vain que pour l'homosexualité. Oui, ce serait beaucoup plus simple et "logique", "rationnel" d'être cis et hétéro, sauf que c'est pas un choix. Je ne comprends pas pourquoi entendre mon ancienne voix me rend malade. J'ignore pourquoi voir mon entrejambe me donne envie de pleurer, mais c'est comme ça. Et il n'existe aucune psychothérapie pour devenir "normal". Il n'existe que des thérapies de conversion qui s'apparentent à de la torture.
Mais vouloir me raccrocher à un raisonnement logique a longtemps été un réflexe pour ne pas sombrer, chez moi. Et c'est encore souvent le cas.]
Ce n'est pas la première question que je
me suis posé et c'était une erreur. Je me suis d'abord demandé si je me
comportais comme une femme, pour déterminer si je suis transgenre ou
non. Mon psychologue m'a convaincu(e) de l'absurdité de cette question:
toutes les femmes sont différentes. Certaines sont maniérées, fragiles,
frivoles, d'autres sont tout le contraire. Des femmes font du rugby, de
la boxe, s'engagent comme fantassins dans l'armée, écoutent du métal,
aiment d'autres femmes, font de la politique, encadrent des équipes
d'hommes ou dirigent de grandes nations.
A partir de là, donner une définition
comportementale de la femme s'avère impossible. Chacun a sa propre
définition. Suivant les époques et les cultures et au sein d'une même
culture, on trouve d'énormes différences.
En vérité, mon comportement, mon
attitude actuels pourraient très bien être ceux d'une femme. Si demain
je me retrouve dans le corps d'une femme et que je conserve mes
habitudes, ma démarche, mes hobbies, ma façon de parler, on ne me
confondrait pas avec un homme. Je pense même que beaucoup d'hommes
parfaitement hétéros trouveraient ça très attirant.
Cela dit, je pense que si je me
retrouvais avec un corps féminin, je me comporterais de façon un peu
différente. Même si je n'ai aucune idée de ce qui changerait et de
comment cela changerait dans le concret. C'est juste intuitif.
"On ne naît pas femme, on le devient", disait Simone de Beauvoir. Et je ne me rendais pas compte à quel point elle avait raison.
L'attitude féminine n'a rien d'inné, de
génétique, il s'agit d'un apprentissage. On vous met (ou non) une poupée
entre les mains, on vous explique comment une fille doit se comporter
et ne pas se comporter, on imite (ou non) sa maman, des femmes qu'on
côtoie, qu'on voit à la télé, au cinéma etc
J'ai été élevé, principalement, par ma
grand-mère que j'avais déifiée, puis par ma mère qui m'a inculqué plus
ou moins volontairement sa haine des hommes (absurde et extrêmement
blessante pour un petit garçon: comment voulez-vous accepter de devenir
un homme, comment voulez-vous accepter cette puberté dans ces
conditions?). Mon père et mon oncle étaient effacés, je ne pouvais pas
les prendre comme modèles. J'ai même longtemps considéré mon père comme
un anti-modèle.
Et puis j'ai été agressé sexuellement
par deux hommes qui ont tous deux vus de la féminité en moi (ils me
l'ont dit) et surtout une proie, donnant ainsi raison par l'expérience, à
ma mère.
La phrase "Sois un homme!" relève pour
moi d'une obligation héritée de ma naissance et en même temps cela
représente une injonction à devenir un connard. Paradoxe insoluble.
Sauf qu'il s'agit également d'une
injonction absurde. Ce qui est vrai pour les femmes, l'est aussi pour
les hommes: ils (nous?) sont (sommes?) tous différents, entre le
poète"efféminé" et la brute. Des millions de nuances.
J'en suis donc venu(e) à la conclusion
que ce qui caractérise une femme (ou un homme), c'est son physique. Son
sexe. Ce ne sont pas ses vêtements, pas son maquillage qui ne servent
qu'à accentuer ou diminuer de manière artificielle la féminité, qui
peuvent être des outils de séduction, mais rien de plus. On ne compte
plus les hommes qui se maquillent ou qui portent des vêtements plus ou
moins conçus pour des femmes.
Je lis souvent que l'orientation
sexuelle n'a aucun rapport avec le genre auquel on appartient. Bien sûr,
on peut très bien être transgenre hétéro, homo, bisexuel et autres,
c'est une évidence, mais je pense qu'il existe tout de même un lien.
Parce qu'on ne peut se comporter de la même façon au niveau sexuel si on
a un pénis ou un vagin entre les jambes. Parce qu'on est perçu de
manière différente si on dispose d'un corps féminin ou d'un corps
masculin et que cela joue nécessairement sur les personnes qu'on va
attirer, sur la façon dont on va se comporter avec celles-ci et sur la
façon dont on va faire l'amour (ou baiser) avec elles.
A titre personnel, dans ce corps, je ne
peux m'imaginer avec un homme. Mais avec une femme, aussi belle (et
douée) soit-elle, il y a quelque chose qui coince niveau sexuel. Je dois
faire des efforts d'imagination et de concentration pour arriver à
jouir. Dans un corps féminin, je ne peux évidemment que spéculer, mais
je m'imagine sans réel problème avec un homme. Je ne peux savoir si
j'aurais moins de soucis pour atteindre l'orgasme puisque je n'ai aucune
expérience sur le sujet et ça doit beaucoup dépendre de l'homme et
aussi sans doute de la chirurgie. J'ai lu sur le sujet que les hommes
transformés médicalement en femmes grimpent aussi souvent au rideau que
les femmes "de naissance", avec un taux proche des 100% pour les
plaisirs solitaires.
Donc, puisque l'attitude générale
n'entre pas en ligne de compte, puisque depuis ma puberté je rejette mes
attributs masculins que je fantasme d'écraser entre deux briques, que
mes poils me hérissent, que je suis frustré(e) de ne pas avoir de seins
et que malgré tout je m'acharne à me masturber comme le ferait une
femme, en me caressant ce dont je ne dispose malheureusement pas... il
semblerait bien que je sois effectivement une femme dans un corps
d'homme.
Mais je préfère rester encore nuancé(e). Dans ce genre de situation, il vaut mieux éviter les conclusions hâtives.
Commentaires
Enregistrer un commentaire