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Ma "dysphorie de genre"

(Écrit le 24/09/17)

Comme je l'ai dit, je ne suis pas psy ou médecin ou encore spécialiste du sujet. C'est pourquoi je préfère mettre des guillemets. Il est possible que ce dont je vais parler ne soit pas à proprement parler une dysphorie de genre, mais il fallait bien que je colle des mots à ce que je ressens.

Il s'agit d'une souffrance née d'un conflit qui remonte à l'adolescence. Une souffrance jusque-là essentiellement latente, beaucoup moins, bien sûr depuis que j'ai décidé de l'affronter. Elle était latente parce que je passais mon temps à la fuir, ce qui ne l'empêchait pas de s'exprimer et même d'exploser assez souvent.

Pour être précis(e), elle remonte à ma découverte de la sexualité. Avant ça, à vrai dire, fille ou garçon, je m'en foutais un peu. On me répétait en permanence que j'étais un garçon, comme en attestait mon anatomie, et on m'expliquait comment je devais me comporter et cela me convenait très bien. On me parlait d'amour, dans la réalité, dans les livres, les dessins animés, les films etc et c'était toujours un garçon ou un homme avec une fille ou une femme. Alors parce qu'il me semblait que c'était nécessaire, je m'étais choisi une "amoureuse". La plus belle et la plus intelligente. La première de la classe. Je ne l'avais pas choisie parce qu'elle m'attirait, mais selon les critères qu'on m'avait inculqués et j'ai procédé de la sorte jusqu'à mes 25 ans. Sauf que je ne m'imaginais jamais faire quoi que ce soit avec ces quelques filles qui s'étaient succédées dans mon petit coeur. Je n'ai d'ailleurs jamais rien fait pour démarrer une relation autre que platonique avec elles. J'ignorais tout de la sexualité, je trouvais cela bestial et écoeurant jusqu'à mes 14-15 ans. S'embrasser sur la bouche? Bwerk!

Et puis, j'ai découvert le sexe à travers la pornographie. Mauvaise référence, mais je suis loin d'être seul(e) dans ce cas. Et c'est là que les choses ont commencé à merder. C'est là que j'ai commencé à me demander ce que je foutais avec une bite entre les jambes. Parce que ce n'était pas aux acteurs que je m'identifiais, mais aux actrices. Malgré l'évidence. J'ai commencé à me caresser comme une femme et à m'habiller comme une femme, la nuit, seul(e) sous ma couette. Progressivement. Tout en me demandant, une fois terminé, pourquoi je faisais ça. La réponse, aujourd'hui, m'apparaît avec une grande simplicité: c'était simplement meilleur, plus satisfaisant. Plus "naturel".

Jusqu'à très récemment, j'ignorais la transidentité. Je n'en avais jamais entendu parler, ou alors je refusais d'en entendre parler. Le mot "travesti" était rattaché au mot "ridicule". Pendant tout ce temps, je me suis demandé si je n'étais pas simplement homosexuel. Mais non. Voir deux hommes s'embrasser et plus encore coucher ensemble m'a toujours révulsé. Chacun fait ce qu'il veut, ce qu'il peut, ce qu'il aime, aucun souci sur la question, mais moi... non.

Jamais, dans mes fantasmes, je n'avais ce corps. C'est pour cette raison que je portais des vêtements et de la lingerie féminins: pour me donner l'illusion d'avoir un autre corps, d'être une femme. Et quand je le faisais, je fuyais d'autant plus les miroirs que la lumière, à cause de la fragilité de cette illusion, de la pauvreté de ces artifices. C'est pour cette raison, aussi, que je picolais avant de le faire: l'ivresse me rendait plus facilement dupable. Voir mon reflet ou les poils sur mes bras ou mes jambes me renvoyait à ce que j'étais: un homme déguisé en femme. Ridicule, moche, pitoyable, anormal. Peut-être même cinglé. Et qui sait? Peut-être dangereux.

Voilà, ce que j'appelle, peut-être de façon erronée, ma "dysphorie de genre". Les adjectifs qui précèdent, les interrogations, je les avais en permanence. J'avais beau les ignorer, détourner le regard, elles étaient là. Elles le sont encore, m'empêchant d'avoir confiance en moi, de m'épanouir, de me situer dans la société, de savoir ce que je suis, ce que je veux, avec qui je dois être et comment me comporter. Avec toujours cette trouille, panique, d'être découvert(e), surpris(e). Parce que si ça arrivait... qu'est-ce que je pourrais dire? Qu'est-ce que je pourrais faire? Comment je pourrais expliquer ce comportement? Une de mes connaissances répète souvent qu'il n'y a que les fous qui ne savent pas expliquer certains de leurs actes. Je pense qu'elle se trompe. Ce n'est pas si simple.

Depuis tout ce temps, j'ai le sentiment de ne pas avoir ma place dans cette société, d'être une anomalie, alors que jusque-là, personne ne m'a jamais rejeté(e) pour ça... Hormis moi-même. Mais comment peut-on imaginer être accepté par quiconque si on ne s'accepte pas soi-même? Mais pour accepter, il faut déjà comprendre, ou à tout le moins définir un minimum. J'ai l'habitude de vivre la nuit autant que possible. Sans doute pour fuir la lumière dont je parlais tout-à-l'heure, mais aussi pour fuir ces terrifiants miroirs que sont les autres.

Et bien sûr, il y a cette persistante et absurde envie de tuer ce monstre, cette anomalie, de régler ce conflit interne par un match nul, la solution de facilité. Sauf que je ne fais de mal à personne, sinon à moi-même. Pourquoi tuer plus qu'un innocent, une victime?

C'est pourquoi j'ai ce besoin de poser des mots: définir, comprendre, accepter, me situer, avancer, m'épanouir.

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