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"It's a wonderful life" R+42

Quand je suis trop fatiguée pour bosser sur mes fictions ou pour lire, je reviens ici. Ou je joue à Angry birds. Ce qui revient à dire que mes articles sont un peu biaisés.

Donc je suis encore crevée. Mais je m'en agace moins que par le passé. A longueur de journée, je me répète "t'es toujours en convalescence, c'est normal, tout va bien, soit patiente et compréhensive avec toi-même comme tu le serais avec une amie". Ca ne marche qu'à moitié, mais c'est déjà ça de pris.

Parce que oui, il faut l'avoir en tête : cette convalescence implique une frustration constante. La douleur, au bout de trois semaines, elle devient tout à fait gérable. Mais on passe six heures par jour avec les dilatations/irrigations et huit heures à dormir, ou à essayer. Ca fait quatorze heures sur vingt-quatre d'indisponibilité. Il en reste dix, éclatées entre les quatre dilatations. Dans ces dix heures, il faut déduire le ménage et les repas. Il faut aussi déduire les coups de flemme. S'extraire du lit au réveil ou après une dilatation, ça demande un gros effort. D'autant plus en hiver. Le froid et l'obscurité démotivent.

Donc au final, il reste quoi ? Maximum six heures par jour, éclatés sur toute la journée, donc. Pour écrire, j'ai besoin de temps pour me concentrer, me remémorer mon histoire, mes personnages... Il faut parfois une heure pour que ça monte et que je puisse me montrer un minimum efficace. En général, j'atteins ma pleine efficacité au bout de trois heures devant mon traitement de texte. Mais ça, c'est en temps normal, pas dans cet état de fatigue.

Et pourtant, je réussis à bosser sur mon texte un peu tous les jours, ou presque.

Impossible d'aller au théâtre. Une heure de route en voiture aller-retour et avec ma fatigue, conduire me semble assez dangereux.

Impossible d'aller au sport et pourtant, j'en aurais bien besoin. Ça fait bientôt deux mois que je passe l'essentiel de mon temps allongée, alors niveau musculature, déjà que c'était pas folichon avant, là je sens que j'ai entamé une transition mâle vers moule. Mes genoux craquent comme jamais et les escaliers se sont tous raidis comme par magie.

Les balades demeurent tout aussi compliquées. Ca caille et je ne peux aller ni loin, ni longtemps.

Et la libido, on en parle ?

Je me disais qu'il faudrait sans doute quelques mois avant qu'elle ne revienne, si elle revient... Perdu ! Elle m'a très vite fait coucou et, malgré la douleur physique que ça implique, elle retente sa chance presque tous les jours. Frustration... J'ai hâte de pouvoir découvrir les nouvelles sensations avec cet organe fraîchement remodelé, et des terminaisons nerveuses pas encore bien rétablies. Mais ça doit venir.

Bref, il faut accepter qu'on est diminuée (lol) pour une longue période, avec d'indispensables et imposantes contraintes. Il faut prendre son mal en patience et ne pas hésiter à claquer une sieste si le besoin s'en fait sentir. Et aussi meubler les moments libres avec de petites tâches valorisantes ou de petits plaisirs. Sinon, on peut péter un câble.


Ma fatigue actuelle provient aussi de mon expédition d'hier. J'avais deux rendez-vous à l'hôpital pour contrôler que tout va bien au niveau physiologique et au niveau psychologique. Et comme la sécu se montre assez à cheval sur le remboursement des déplacements en ambulance ou en taxi pour les malades, j'y suis allée par mes propres moyens. Donc quinze minutes de trajet en voiture, quinze minutes à pied, trente minutes en train, quinze minutes en métro et encore cinq minutes à pied. Idem pour le retour.

Je n'avais plus fourni d'efforts aussi intenses depuis des semaines. Et donc c'est là que je me suis rendue compte de mon niveau de fatigue et d’empâtement. J'en suis cependant revenue fière de moi parce que j'appréhendais quand même un peu ce moment. Et ça m'a aussi fait plaisir de retrouver, l'espace d'une demi-journée, un semblant de vie normale. A l'hôpital, mais sans mes dilatations. Que j'ai dû reprendre en accéléré et en condensé à mon retour.

Frustrant, disais-je.

Donc au niveau psychologique, les voyants sont au vert. Je suis toujours étonnée de ne pas avoir fondu en larmes ou chopé une grosse crise de panique après avoir vécu un tel événement, mais... Non, la perte de mon service trois-pièces n'a pas occasionné de tragédie grecque. Je le vis comme j'ai vécu l'ablation de ma pomme d'Adam, au final. Pas d'euphorie non plus. Pour le moment, ça reste moche, gonflé, j'ai des lèvres qui ressemblent un peu à des testicules écrasés, c'est désagréable au toucher, ça suinte de partout, donc aucune raison de sauter de joie. Et mon existence est devenue chiante et limitée.

Mais au vu des circonstances, je m'en sors bien. J'arrive à avancer malgré tout dans ma vie. Je bosse un peu, je suis en train de migrer mes comptes bancaires vers une seule banque gratuite. Je me suis occupée de mettre à jour mon état civil sur mes diplômes... Ma vie n'est pas totalement à l'arrêt.

Bien sûr, il m'arrive de péter un câble de façon totalement disproportionnée contre mon pommeau de douche qui ne se place comme je le veux ou contre le câble d'alimentation de mon téléphone qui me fait un croque-en-jambe ou contre la chaise qui me balance un coup dans les tibias au passage de façon totalement gratuite... mais ça me semble pas non plus totalement fou. J'ai passé trente minutes à parler de ma frustration et de ma fatigue, sur cet article. Voilà comment elle s'exprime : par des scrogneugneu et des coups de latte sur une chaise. Chaque fois, je me dis que c'est débile et que je préférerais exprimer ça d'une façon plus "féminine". Et puis je réfléchis, je prends du recul et je me rends compte du sexisme de cette pensée. Une femme peut très bien exprimer sa frustration par un bon gros coup de latte sur une chaise rebelle. Surtout dans un tel contexte.

Bref, ça va. J'envisage même d'arrêter de prendre le demi-Atarax que je m'enfile tous les soirs pour m'aider à dormir. Comme ça. Pour rire. Et surtout vu que je suis en convalescence, si je passe un jour ou deux dans le coltard à râler, ce sera pas bien grave. Et puis, au pire, j'en reprendrai. C'est juste que j'ai envie d'enfin arrêter cette cochonnerie chimique qui présente quelques effets secondaires sur le cœur et qui, s'il aide à dormir et à faire passer les angoisses, a tendance à me rendre... léthargique. Ce qui est quand même gênant.

Ha et j'ai aussi l'impression d'être plus connectée à la réalité et au présent que... ces dernières années. Ces dix ou quinze dernières années. D'être moins en mode pilotage automatique. Donc peut-être moins dissociée. A vérifier sur le long terme.

A noter aussi que j'ai donné l'adresse de ce blog à ma précieuse psychologue qui l'a lu en partie et trouvé intéressant. Au point qu'elle pourrait le présenter à d'autres professionnels ou à d'autres femmes trans pour aider à une meilleure compréhension de la transidentité, et... de comment se passe une vaginoplastie depuis la première pensée dysphorique jusqu'à... la fin que j'ignore toujours.

Donc ne vous étonnez pas si je glisse plein de compliments pour ma précieuse psychologue. Et si je fais un peu plus attention à ne pas dire de conneries.

Au niveau physique, "parfait", "tout va bien". Le seul bémol, je ne l'ai pas bien compris : une petite zone qui aurait "surcicatrisé" et qu'il faudra donc peut-être que le chirurgien brûle avec je ne sais quel produit quand je le verrai le 7 janvier. L'infirmier m'a dit ça avec un grand sourire donc ça ne doit vraiment pas être gênant, hein ?

Je l'ai remercié, d'ailleurs, ainsi que toute l'équipe de l'hôpital pour leurs sourires, leur bienveillance et leur prévenance parce que dans une situation comme celle-là, c'est essentiel. D'autant plus quand on connaît les conditions de travail dans les hôpitaux. Je pense que ça fait partie des principaux enseignements de ce blog.

Il m'a indiqué qu'il n'était plus nécessaire de m'appliquer de vaseline sur la zone, et ça m'a bien soulagée, même si je venais tout juste de me racheter un tube tout neuf... Ça me servira si je fais de la mécanique ou pour de nouvelles expériences sex... euh bref ! Par contre, je dois m'appliquer une autre crème sur les cicatrices qui entourent la zone. Et je préfère parce que c'est moins cra-cra.


Prochaine étape, donc, le 7 janvier. Et d'ici là, des fêtes contraintes. Cela dit, j'ai pas l'habitude de les fêter sinon en solo. Avec une raclette. Donc niveau frustrations, ça devrait bien se passer.

Et si jamais j'ai d'autres choses à raconter entre-temps, je ne manquerai pas de revenir ici.

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