C'est assez logique, finalement. Dans mon précédent article, je parlais de toutes les fois où on a mis en doute ma virilité. Et aujourd'hui, je vais vous parler de toutes les fois où... JE mets en doute ma féminité.
J'ai été programmée pour être un homme, notamment par toutes les injonctions citées précédemment. Et j'ai essayé de m'y conformer. De toutes mes forces. Donc, j'ai développé des habitudes, des inclinations qu'on attribue généralement au sexe masculin.
Et quand je me surprends à me gratter la raie du cul ou à sortir un "putain de bordel de chiotte", je m'engueule. "Une femme ne devrait pas faire ça".
Alors, je vais passer très vite sur le côté culturel et social du sujet, parce qu'il n'est pas utile de faire long: une femme fait ce qu'elle veut, en fait. Si elle a envie (si j'ai envie) de roter très fort en jouant à FIFA avec ses copains, fringuée comme eux, entre deux bières, tout en passant son temps à jurer, personne n'a rien à lui reprocher, et surtout pas elle-même. On est en France, en 2018, et la variété de comportements féminins rien que dans ce pays est exponentielle.
C'est un (très) vieux logiciel qui m'a été inculqué dès la naissance qui provoque ces bugs. Il a besoin d'une sérieuse mise à jour.
Mais il n'y a pas que ça.
Le fait est que j'ai vécu dans le déni pendant très longtemps, avec cette volonté de me forcer en permanence à coller au stéréotype masculin. Résultat: aujourd'hui, je ne sais plus trop qui je suis, perdue entre mes habitudes et mes envies réelles. Mon corps change, et j'ai le sentiment que mon esprit doit aussi changer.
Et ça me semble parfaitement normal.
Sauf que... je n'ai pas à me prendre la tête avec ça. On m'a forcée à avoir un "comportement de mec", ce serait tout aussi débile de me forcer à avoir un "comportement de femme".
Bien sûr, il faut un minimum s'adapter à la société, sous peine de se retrouver seule et de s'en prendre plein la gueule, ce qui n'est évidemment pas le but. On se construit, on devient soi par rapport à des modèles, positifs comme négatifs, plus ou moins conscients, par identification, rejet, indifférence. Et aussi par rapport aux réactions de l'entourage. Il y a donc forcément tests, négociations, compromis, forcing... mais ça se fait surtout de manière inconsciente et de façon progressive, pour l'essentiel.
J'ai fait le choix, pour le moment, de cacher ma poitrine en public. Parce que j'ai pas envie qu'on m'emmerde, qu'on me regarde comme une bête curieuse. Un jour, ce ne sera sans doute plus possible. Ce jour-là, je m'adapterai. D'autant que d'ici là, beaucoup de choses auront sans doute bougé, chez moi et dans mon entourage.
Conclusion: je fais ce que je veux, sans me prendre la tête, du moment que ça ne me cause pas d'emmerdes et surtout que ça ne nuit pas à autrui.
Niveau transition: je perds mes cheveux, je suis très souvent épuisée, j'ai dû baisser d'autorité ma dose d'oestrogènes pour pouvoir tenir debout sans voir de petites étoiles, je n'ai toujours pas d'ALD, je n'ai aucune nouvelle du dispositif transidentités. Ha et je fais de la kératyte pileuse (pas sûre de l'orthographe...), ce qui fait qu'on dirait que j'ai la varicelle des jambes.
Ca, c'est le côté négatif et il n'est pas négligeable.
Pour le positif, le moral reste bon malgré des crises d'angoisse et cet épuisement. Ma poitrine continue à se développer, le reste aussi mais de façon plus discrète, ma peau change, mes poils noirs disparaissent à grande vitesse sur mon visage, mais... il y a beaucoup beaucoup de blancs qui risquent de me poser de sérieux problèmes. J'ai malgré tout réussi à faire une séance de sport avec la même intensité qu'avant la trêve, sans me blesser et sans devenir bleue, et ce avec un binder qui m'a néanmoins un peu lacérée. J'ai lu qu'il ne fallait pas trop en faire, vu que ça risque de perturber la nouvelle répartition des graisses et muscles, mais ça ne peut pas être plus que deux heures par semaine, et j'en ai besoin pour retrouver et conserver un certain niveau de forme. Niveau social: RAS, hormis un boulet qui semble me prendre comme un jeu malsain dans mes amis. Je lui ai conseillé de passer sa curiosité sur des sites malsains qui foisonnent sur le net. Ceux qui ne sont pas au courant n'ont apparemment toujours rien remarqué et je compte leur laisser le temps de se poser des questions.
J'envisage aussi de rédiger une page pour répertorier tous les "arguments" transphobes que je peux lire ou entendre ici et là, et leur répondre. Ce qui ne devrait être ni long, ni compliqué, mais il faut juste que je m'y mette.
Commentaires
Enregistrer un commentaire