Il m'arrive d'avoir envie de tout foutre en l'air. "Mais putain pourquoi je me suis lancée dans cette transition? Je suis en train de foutre ma santé en l'air, de remettre en question ma vie sociale et tout ça pour quoi? Je ressemble à rien et je ressemblerai jamais à rien!"
Je suppose que c'est qu'on appelle la dysphorie.
Mais il y a toujours des déclencheurs pour que je me retrouve dans cet état, et la fatigue en fond.
1. Les commentaires haineux et stupides envers les LGBT
Il y a des gens merveilleux, ou simplement bienveillants sur les réseaux sociaux. Et une minorité d'abrutis, généralement mal formatés par une quelconque religion interprétée de façon absurde (mais j'y reviendrai plus longuement dans une page). Est-ce du masochisme? Mais c'est sur ces commentaires de merde que je me focalise, plutôt que sur les autres. Et évidemment ça m'affecte.
2. Les faits divers faisant état de transphobie
Il y a quelques jours, un couple d'homosexuels a été violemment agressé, à Paris. Parce qu'ils étaient homos et parce qu'ils s'étaient embrassés. Quelques semaines plus tôt, c'est une prostituée trans qui a été tuée. En 2018. En France. Il est bon que cela se sache. Il est bon que la société en ait conscience. Il faut que ces psychopathes soient arrêtés et lourdement condamnés. Mais forcément, ça ne donne pas envie, du tout, de faire partie de la communauté LGBT.
3. Les regards malaisants
Paranoïa? Peut-être. Mais je cache ma transition, pour le moment, donc je scrute le regard des autres. En permanence. A cause des deux premiers points... Et parfois, je me demande si on ne voit pas malgré tout ma poitrine, mes formes qui changent, mon attitude qui peut m'échapper, si mon look n'est pas trop atypique. Et cette pensée m'angoisse, et m'amène à m'interroger.
4. Certaines transitions
Je plaide coupable. Pour le coup, c'est moi qui suis injuste, et probablement stupide. Mais n'est-ce pas humain? Quand je vois les photos de certaines personnes trans (femmes, of course), je me dis "Wow! Si je pouvais lui ressembler ce serait vraiment génial!". Et d'un autre côté, forcément... Ben il y a l'effet inverse où je me dis "Ha non pitié! Tout mais pas ça!". Sauf que ça marche aussi hors trans: il y a des femmes à qui j'adorerais ressembler, et d'autres...
5. La barbe
Là, évidemment, c'est autre chose, mais c'est un fait: sentir et voir cette toison me rend malade. Je me trouve moche et je me dis que jamais je n'en viendrai à bout. Marche aussi pour les jambes, elles ne sont jamais lisses et, pire!, on dirait que j'ai la varicelle avec les poils incarnés et les marques que laisse l'épilation.
6. Ma voix
Idem que la barbe, pas besoin de développer: je n'arrive pas à me projeter avec une voix féminine, en harmonie avec le reste de mon futur corps. Et ça me déprime.
7. Les souvenirs et les moments agréables dans mon rôle masculin
Hé oui, il n'y a pas que ces 25 ans de dépression plus ou moins intenses, il y a aussi, heureusement, de bons moments. Avec certaines ex, avec mes potes, avec ma famille. Depuis plusieurs mois, je revois ma vie défiler devant mes yeux. Je fais le bilan. Bien sûr, le solde est négatif, et pas qu'un peu. Bien sûr, il n'y a pas de raison pour que je ne connaisse pas de moments agréables même lors de ma transition, et sans doute de plus nombreux, et de meilleurs. En tout cas, c'est le but. Mais voilà, c'est une forme de nostalgie, une envie de revenir en arrière, de revivre tout ça... Et ça me rend malade.
Il doit y avoir d'autres déclencheurs, mais ce sont les principaux. Et il va falloir que je trouve les ressources pour que ça arrête de me pourrir, parce que je ne peux pas les éviter, pour la plupart. Je dois donc les affronter, et les vaincre.
La vie est un combat permanent, dans lequel on est toujours son plus redoutable adversaire.
Commentaires
Enregistrer un commentaire